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Lionel Messi bientôt libre, mais dans quel contexte ? Tout comprendre sur sa situation contractuelle

Sous contrat avec le FC Barcelone jusqu’au 30 juin 2021, Lionel Messi peut s’engager où il le veut cet été. Imaginer l’Argentin quitter son club de toujours paraît probable, mais entre une situation orageuse en Catalogne et les impacts de la crise sanitaire sur le monde du football, le sextuple Ballon d'Or manque de données pour lancer les grandes manoeuvres.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9 min

• Une opportunité unique dans un contexte brumeux

Ce n'est plus une simple idée ni même une de ces rumeurs auto-alimentées au milieu d'une constellation de sites aussi spécialisés qu'aguicheurs. Si les choses restent en l'état, Lionel Messi sera libre de s'engager où bon lui semble cet été. Le contrat qui lie le sextuple Ballon d'Or au FC Barcelone arrive en effet à expiration le 30 juin prochain.

À partir de cette date, un club intéressé par l'Argentin pourra l'attirer sans avoir à verser d'indemnité de transfert au club catalan pour un joueur encore estimé à 80 millions d'euros par le site Transfermarkt - en dépit de ses 33 ans et de la baisse globale de la valeur des joueurs sur un marché des transferts victime des conséquences économiques de la crise sanitaire.

"C'est la meilleure occasion de le voir changer d'équipe à un moment où on le dit en froid avec la direction et où il a l'air frustré sur le terrain. L'opportunité est là mais elle arrive au moment où la conjoncture n'est pas très favorable à l'achat pour les clubs de football. C'est tout le paradoxe", synthétise l'économiste du sport Pierre Rondeau.

Mercredi, le président de la Juventus Turin et de l'ECA (Association européenne des clubs), Andrea Agnelli, tablait sur des pertes situées entre 6 et 8,5 milliards d'euros pour les clubs européens. L'Italien avait même ajouté qu'elles pourraient atteindre les 10 milliards pour deux années de Covid-19. Sur le marché des transferts, cette mauvaise santé financière s'est exprimée cet hiver avec seulement cinq transferts au-dessus des 20 millions d'euros, contre 17 lors du mercato hivernal l'an passé.

Le Barça, si grand soit-il, n'est pas non plus épargné par la crise économique. "Je connais parfaitement la situation économique du Barça et elle est problématique", a confirmé le candidat à la présidence du club Toni Freixa lundi dernier sur la COPE, après que la radio espagnole avançait que le versement des salaires des joueurs prévu en décembre n'avait toujours pas été effectué.

Le club catalan accuse même une dette totale dépassant le milliard d'euros, dont 730 millions d'euros à rembourser à court terme, d'après des chiffres dévoilés par les médias espagnols dont Marca et la Cadena Ser. Un contexte loin d'être idéal pour discuter d'une prolongation de contrat avec un joueur comme Lionel Messi, tout en sachant que le principal interlocuteur des négociations, le futur président catalan, ne sera connu que le 7 mars prochain.

• PSG, City, Italie... quelles options pour Messi en cas de départ ?

"C'est très facile de cibler qui est capable de l'accueillir. On parle de deux voire trois clubs : le PSG, Manchester City et peut-être Chelsea, et encore", explique Stéphane Canard, agent licencié à la Fédération française de football et président de l'Union des agents sportifs français. L'option française est d'ailleurs celle qui provoque le plus de remous dans la presse.

Par la voix de son directeur sportif Leonardo, mi-janvier dans France Football, le Paris Saint-Germain ne s'estimait "pas encore assis mais avec une chaise juste réservée au cas où (...) à la table de ceux qui suivent le dossier de près". Des propos que n'a pas apprécié Joan Laporta, candidat à la présidence du Barça, et il l'a fait savoir à TVE mardi dernier : "le PSG se permet de déstabiliser le Barça en disant publiquement qu'il va recruter Messi. Ça, le Barça ne peut pas l'accepter car c'est un manque de respect".

Celui qui base son programme en grande partie sur sa capacité à convaincre "La Pulga" de rester marque son territoire, mais aucun signe concret n'envoie son joueur à Paris pour le moment. "Si le PSG veut pouvoir se payer Messi par la voie classique, il ne peut pas envisager de conserver et Neymar et Kylian Mbappé. Dans le contexte actuel, je pense que le club préférera garder Neymar qui a déjà noué une entente sportive et amicale avec Messi, et qui pourrait convaincre l'Argentin de venir grâce à leur passé commun", estime Pierre Rondeau pour qui, seul le l'échec d'une prolongation de Mbappé et une vente de ce dernier entre "75 et 125 millions d'euros" permettrait de couvrir le salaire et la prime à la signature de Messi. "Les deux stars sont au coeur du projet et, avec le fair-play financier, ajouter un troisième monstre est impossible. Paris fera tout pour les garder tous les deux en priorité, tout simplement parce qu’ils ont plus d’années devant eux”, appuie l'agent Yvan Le Mée.

Alors que le PSG et Manchester City, propriétés d'États aux fonds quasi-illimités, sont les plus régulièrement cités, ce dernier table plutôt sur l'Italie et sa situation fiscale avantageuse. "Au lieu de faire un calcul sur 100% des revenus, le système fiscal italien permet aux joueurs étrangers de n’être imposés que sur 30% du total de leurs salaires”, explique Le Mée, qui représente, entre autres, l’international français Ferland Mendy.

En Italie, il existe aussi depuis peu un forfait à l’année sur les revenus annexes, dont les droits à l’image. Celui-ci est plafonné à hauteur de 100 000 euros par an. Un joueur comme Messi touche 40 millions d’euros de revenus publicitaires. Même en faisant des montages fiscaux aux Pays-Bas comme cela se fait régulièrement, il y a toujours 25 à 40% qui finissent par être prélevés. En Italie, que tu touches 1 ou 10 millions de revenus d'image, tu paies toujours 100 000 euros à la fin. C'est d'ailleurs ce qui a permis de concrétiser l'arrivée de Ronaldo à la Juventus en 2018".

S'il ne voit justement pas la Vieille Dame capable d'aligner Messi à côté de Cristiano Ronaldo, Yvan Le Mée juge l'option italienne comme étant "la plus crédible", désignant l'Inter Milan, réputé pour sa tradition argentine, et l'AS Roma, pour son nouveau propriétaire américain, en candidats probables. Mais il ne s'agit ici que de suggestions.

• Le Barça a encore les cartes en mains

Si l'agent Yvan Le Mée conseille à l'intéressé de s'offrir un challenge à l'étranger, et si l'économiste Pierre Rondeau estime à titre personnel que la probabilité d'un départ est supérieure à celle d'une prolongation, Stéphane Canard voit de son côté l'Argentin "continuer à écrire son histoire avec le Barça". "Tenter un autre challenge, je ne le conseillerais pas à 33 ans mais à 29, 30 ou 31 ans. Son histoire est tellement collée à celle du Barça que je ne le vois pas tenter sa chance ailleurs. Qu'est-ce qu'il restera dans 10 ans ? Cristiano Ronaldo aura été un grand joueur, Messi également. Mais la fidélité sera de son côté", analyse celui qui exerce le métier d'agent depuis presque 30 ans.

Si le FC Barcelone n'a jamais été dans une situation aussi défavorable dans les négociations avec sa star, il a encore le temps de mettre en place sa stratégie. "Au Barça, le futur président aura un coup d'avance mais il devra proposer une stratégie de recrutement ainsi que les joueurs qu'il imagine autour de Messi pour le convaincre, tout en lui garantissant son statut de joueur phare", estime Canard. Malgré la succession interminable d'entraîneurs et des résultats décevants sur la scène européenne, le Barça compte encore le sextuple Ballon d'Or dans ses rangs au cours d'une saison dont les objectifs demeurent toujours réalisables. Une fois que le nouveau président du club catalan sera connu et que le Barça aura disputé son huitième de finale de Ligue des champions contre le Paris Saint-Germain, le jeu sera véritablement lancé reconnaissent Le Mée, Canard et Rondeau, en dépit de leurs divergences.

Pour ce qui est de la santé économique inquiétante du club catalan, ses dettes colossales ne l'empêcheront pas d'agir pour prolonger son prodige explique l'économiste Pierre Rondeau. "Quel que soit le niveau de la dette, l'important est d'assurer la solvabilité du club. La France est très endettée et vous ne verrez pas les huissiers débarquer pour emmener la Tour Eiffel. Le Barça est une entreprise comme les autres mais c'est le Barça. En économie, on dit souvent 'too big to fail', trop gros pour s'effrondrer. Des entreprises comme Netflix ou Microsoft s'endettent aussi mais elles sont trop grosses pour s'écrouler. Dans le sport et encore plus dans le foot, on va utiliser l'expression too famous to fail : trop connu pour s'écrouler. C'est le cas du Barça avec ses 200 millions de fans. Un créancier, une banque d'affaires ou un fonds d'investissement pourra tout à fait décider de continuer à assurer la solvabilité du club malgré la dette. Le Barça continuera saison après saison à être en Ligue des champions et à maintenir une projection crédible de rentrées financières importantes, comme avec la vente de joueurs, la mise en place de la Superligue européenne ou le retour à la normale de la situation sanitaire", détaille-t-il.

• Pourquoi rien ne se décantera avant la fin de la saison

D'après Pierre Rondeau, le destin de Lionel Messi est suspendu à une "équation multifactorielle". Trop d'éléments entrent en ligne de compte pour que le chemin de l'Argentin ne soit prévisible. Le dénouement de la saison 2020-2021 n'est pas encore connu et le FC Barcelone conserve toutes ses chances en Liga et en C1. Le flou reste total, d'autant que les élections à la présidence du club, qui devaient se tenir en janvier, ont été reportées au 7 mars.

La "Pulga" ne sait pas, de fait, quel avenir il écartera d'un revers de main si il refuse de prolonger. "Après février, on entrera dans la période des sondages. Les clubs intéressés poseront la question à la famille et aux intermédiaires. L'idée c'est de savoir s'il peut y avoir une discussion, de savoir si la porte est ouverte. Ensuite seulement, les discussions économiques commencent mais pour cela il faudra au moins attendre le mois d'avril", retrace l'agent Yvan Le Mée.

Si le Barça ne peut pas encore bouger, c'est aussi le cas des autres grands clubs européens. Le Paris Saint-Germain est déjà attelé à son projet de prolongation de contrat avec Kylian Mbappé et connait lui aussi des difficultés économiques L'incertitude plane aussi sur les droits télé en France. Si Amazon débarque en injectant 800 millions d'euros, Paris aura les moyens de se rassurer et de mieux convaincre Messi de venir", décrypte Rondeau.

"Pour l'instant tout est prématuré. Il ne faut pas commencer les négociations trop tôt. Il ne faut ni être en avance ni être en retard. La situation au Barça est compliquée. Il serait indécent qu'un club intéressé vienne mettre le doigt là où ça fait mal dès maintenant : engager des discussions formelles aussi tôt serait une erreur", appuie Stéphane Canard, qui décrit là ce qui a de grandes chances d'être le prochain feuilleton du mercato estival.

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