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Acquittement de Georges Tron : "Le droit n'est pas très bien calibré en France", selon une association de défense des femmes

L'ancien secrétaire d'Etat et son ex-adjointe à la mairie de Draveil étaient accusés de viols et harcèlements sexuels. Ils encouraient jusqu'à six ans de prison. Ils ont finalement été tous les deux acquittés. Un verdict qui fait réagir Marylin Baldeck, de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes.

Article rédigé par Fabien Magnenou - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Georges Tron et son avocat Eric Dupont-Moretti au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis), le 23 octobre 2018. (THOMAS SAMSON / AFP)

L'ancien secrétaire d'Etat Georges Tron a été acquitté des accusations de viols et agressions sexuelles de deux ex-employées municipales, jeudi 15 novembre, tout comme Brigitte Gruel, son ex-adjointe à la mairie de Draveil (Essonne). Virginie Ettel et Eva Loubrieu, 41 et 44 ans, accusaient les deux élus de leur avoir imposé des attouchements et des pénétrations digitales entre 2007 et 2010. Après le verdict, la seconde a fait part de sa grande "déception" et de son "amertume". Contactée par franceinfo, Marylin Baldeck, déléguée générale de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), qui s'était portée partie civile dans ce procès, réagit à cet acquittement de Georges Tron.

Franceinfo : Quelle est votre réaction après le verdict ?

Marylin Baldeck : Ce n'est pas facile, même si en tant qu'association, nous sommes bien placées pour savoir que les femmes qui s'engagent dans un parcours pénal et judiciaire n'ont aucune assurance d'obtenir gain de cause. Selon la cour, il est manifeste que Georges Tron a pu imposer sa volonté et exercer des pressions dans un contexte professionnel, mais que le consentement des plaignantes n'était pas absent pour autant. Cette contradiction, c'est justement ce contre quoi nous luttons depuis des années. J'ajoute que Georges Tron et Brigitte Gruel ont toujours nié avoir eu la moindre relation sexuelle avec les plaignantes, mais que le contraire est pourtant reconnu dans les motivations de l'acquittement.

L'autorité exercée par Georges Tron exclut selon vous un possible consentement...

L'AVFT a décidé de se porter partie civile car il ne fait aucun doute que les plaignantes ont été privées de leur libre-arbitre en raison de la ritualisation de ces actes sexuels. Le respect de nos propres intérêts n'est pas le principal déterminant de nos choix. Ainsi, les femmes ne se comportent pas normalement quand elles sont manipulées par des hommes de pouvoir. Dans ce contexte précis, le consentement doit être regardé de manière suspecte. Je ne me contente pas de l'asséner mais je renvoie à 50 ans de recherche en psychologie. Nous avons suivi plusieurs milliers de dossiers depuis la création de l'association et nous avons 250 dossiers en cours. Le pouvoir et l'autorité jouent un rôle important.

La question du consentement a-t-elle été suffisamment abordée au cours de ce procès ?

Le droit n'est pas très bien calibré en France et le consentement, par exemple, n'est pas présent dans la définition du viol. Il faut mener une vraie réflexion sur un texte de loi vieux de 38 ans. La société a beaucoup évolué depuis. Nous sommes encore sur des représentations fausses sur le comportement idoine d'une victime de viol. On imagine qu'elle doit pouvoir se débattre, être rationnelle, porter plainte immédiatement, s'éloigner de l'agresseur... On a reproché aux parties civiles d'avoir eu des comportements bizarres, mais l'emprise et le contrat de travail ont pour effet d'empêcher les victimes de s'éloigner.

L'avocat de la défense, Eric Dupond-Moretti, s'en est pris directement à votre association, lors de sa plaidoirie...

Eric Dupont-Moretti tape sur l'AVFT au motif que son travail est militant et féministe, mais ce type d'argument nous renvoie dix ans en arrière. Cette posture de défense archaïque est dépassée et devrait figurer dans un musée de la défense pénale des agresseurs sexuels. Lors du jugement en appel de l'avocat Sidney Amiel [condamné à trois ans de prison ferme pour un viol et une agression sexuelle], il y a trois semaines, personne n'a avancé de tels arguments pour le défendre. Nous nous constituons partie civile environ 30 fois par an. Ce procès était atypique compte tenu de la personnalité de l'accusé principal et du fait de la présence d'une femme parmi les accusés, ce qui, d'ailleurs, n'a jamais été relevé lors de ce procès, où nous avons été comparées à des hystériques.

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