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Procès de Francis Heaulme : "Je ne m'attache pas spécialement à ce que dit mon client"

Plus de trente ans après les faits, le tueur en série Francis Heaulme est jugé pour les meurtres de deux enfants à Montigny-lès-Metz (Moselle), à partir du mardi 25 avril, et jusqu'au jeudi 18 mai. Franceinfo a interrogé son avocate.

Article rédigé par Violaine Jaussent - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Francis Heaulme, à gauche, en face de son avocate, Liliane Glock, le 19 novembre 2002, devant la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle, à Nancy. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

Le "routard du crime" à nouveau seul face à la justice. Francis Heaulme est jugé devant la cour d'assises de la Moselle, à partir du mardi 25 avril, pour les meurtres de deux enfants, Cyril Beining et Alexandre Beckrich, à Montigny-lès-Metz, le 28 septembre 1986. Une histoire vieille de plus de trente ans, dans laquelle un autre homme, Patrick Dils, a été condamné deux fois, puis acquitté définitivement en 2002, lors d'un procès en révision.

Francis Heaulme, lui, a été mis en examen en 2006. Il a reconnu sa présence sur les lieux du double meurtre. Il devait être jugé au printemps 2014, mais le procès avait été renvoyé au bout de deux jours, car un témoignage inédit incriminait Henri Leclaire, que Francis Heaulme a lui-même mis en cause… avant de se rétracter. Trois ans plus tard, c'est donc un retour à la case départ : après une mise en examen puis un non-lieu pour Henri Leclaire, seul Francis Heaulme est jugé. 

Avant le début de l'audience, l'avocate Liliane Glock, qui, depuis la fin des années 1990, défend le tueur en série déjà condamné pour neuf meurtres, revient sur les enjeux du procès.

Franceinfo : Vous allez à nouveau défendre Francis Heaulme devant une cour d'assises. Comment prépare-t-on un tel procès, en particulier quand on défend un accusé si singulier ?

Je prépare ce procès dans la difficulté. Mon cabinet est à Nancy, le procès est à Metz : quatre semaines d'audience en dehors de chez moi, ce n'est pas simple. De plus, mon client est arrivé à Metz il y a seulement quelques jours. Mais le dossier, je le connais déjà, et de longue date. On a brassé beaucoup d'air… (soupir) Entre le procès de 2014 et maintenant, on a perdu du temps, de l'énergie et de l'argent… On en est exactement au même point.

Regrettez-vous qu'Henri Leclaire ne soit pas jugé aux côtés de Francis Heaulme ?

C'est totalement incohérent. En 2014, le parquet général a demandé le renvoi, Henri Leclaire a été mis en examen… et il n'a finalement pas été renvoyé devant la cour d'assises. Perdre deux ans pour cela, c'est se moquer du monde. Mais je n'ai pas de coupable préféré : Francis Heaulme dit qu'il est innocent, il faudrait donc aller voir chez les autres.

A une époque, Francis Heaulme a accusé Henri Leclaire, puis il s'est rétracté. Comme pour tout, il dit un jour blanc, un jour noir. Il faut se débrouiller avec ça. Je ne m'attache pas spécialement à ce que dit mon client.

Quelle est votre relation avec Francis Heaulme aujourd'hui ?

Je ne lui rends pas visite souvent car il est incarcéré à plus de deux heures de route de mon cabinet. Mais il me téléphone tous les dimanches. Ce ne sont pas de longues conversations ni des nouvelles fracassantes, mais les petites nouvelles du jour : "Ça va ? Vous aussi ?"

Je l'ai encore eu au téléphone le 16 avril et il n'avait rien de particulier à dire. Depuis 2014, il a fait deux infarctus, mais, en ce moment, il n'est pas plus mal que d’habitude [Francis Heaulme a 58 ans]. Avoir un contact une fois par semaine lui permet de ne pas oublier les gens. Surtout quand ça dure depuis des années…

Pour vous, c'est un double meurtre de plus qu'on essaie de lui attribuer ?

Cela paraît assez clair. D'autant qu'il a déjà été condamné deux fois à perpétuité, dont une fois avec vingt-deux ans de sûreté. Quand bien même il serait condamné à nouveau à cette peine-là, elle est déjà purgée. J'espère que la justice ne va pas donner dans ce piège. Les familles n'ont pas besoin de n'importe quel coupable, elles ont besoin du vrai coupable.

Quand on a besoin d'enquêter, de ré-enquêter de 1997 à maintenant et qu'on ose dire qu'il n'y a aucun doute, ce n'est pas sérieux. Sans compter qu'entre-temps, la justice a privé Francis Heaulme de certains moyens de défense : les scellés [les pièces à conviction de l'affaire ont été détruites le 20 décembre 1994, six ans après la condamnation de Patrick Dils, un délai normal car l'affaire était considérée comme résolue]. Quand elle a détruit des preuves qui pouvaient être à décharge, la justice ne doit plus faire de procès.

Lors des précédents procès, votre client est resté énigmatique. Cette audience n'est-elle pas la dernière chance pour Francis Heaulme de s'expliquer dans cette affaire ?

Mon client s'exprime comme il peut [Francis Heaulme est atteint du syndrome de Klinefelter, une anomalie génétique à laquelle il doit sans doute son retard intellectuel]. On n'a pas toujours des polytechniciens à juger.

Au fond, c'est le procès de la dernière chance pour la justice, qui espère redorer son blason. Je suis persuadée que les parties civiles, elles, n'attendent pas grand-chose de ce procès. Quel que soit le verdict, il laissera la France coupée en deux : ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.

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