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Moratoire sur la dette africaine : Les conséquences économiques risquent d'être "plus dramatiques que les conséquences sanitaires du Covid-19", prévient Macky Sall

Le président sénégalais demande une annulation totale des 365 milliards de dollars de dette du continent africain. 'Il faut que cette demande soit prise en compte car l'Afrique fait partie du monde."

Article rédigé par franceinfo
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Le président sénégalais Macky Sall plaide pour l'annulation de la dette des Etats africains, soit 365 milliards de dollars. (JULIEN DE ROSA / EPA)

"On estime à plus de 25 millions le nombre d'emplois perdus en Afrique sur les trois mois et si on ne fait rien cela va être une catastrophe et les conséquences économiques seront plus dramatiques que les conséquences sanitaires du Covid-19", a prévenu sur franceinfo mercredi 22 avril, Macky Sall, le président sénégalais, alors qu'Emmanuel Macron appelle à une annulation de la dette africaine. Le G20 propose une solution transitoire : un moratoire qui permettrait de ne plus rembourser les intérêts de la dette. "C'est un premier pas que je salue à sa juste valeur, il est important mais pas suffisant", a précisé Macky Sall.

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franceinfo : Emmanuel Macron est favorable à l'annulation de la dette africaine mais avant d'y parvenir le "G20 finances doit acter de ce moratoire sur les dettes à l'égard de l'Afrique" pour "ne plus rembourser les intérêts". Comment avez-vous accueilli cette proposition d'Emmanuel Macron ?

Macky Sall : Je salue la proposition d'Emmanuel Macron car il est dans son rôle dans ce jeu de solidarité mondiale. Il est tout à fait possible dans un premier temps de faire un moratoire pour que d'ici deux ans les intérêts de la dette soient suspendus, ce qui donne des espaces budgétaires aux États. Par exemple, le plan de résilience que j'ai mis en place sur les trois mois sur deux milliards d'euros environ, à peu-près la moitié pourra être financée rien que par le gel des intérêts de la dette que nous remboursons annuellement. C'est énorme mais ce n'est pas suffisant. C'est un premier pas que je salue à sa juste valeur, il est important mais pas suffisant, ce pas nous permettra de lutter efficacement contre la maladie, de pouvoir apporter des solutions sur la riposte sanitaire, sur l'achat des équipements de protection, sur la mise en place des masques notamment des masques artisanaux car tout ne doit pas venir de l'importation.

Combien représenterait l'annulation de la dette des pays africains ?

Toute la dette est de plus de 365 milliards de dollars, c'est à peu-près 3,7% des 5 600 milliards de dollars, le montant que les pays du G20 ont engagé rien que pour la réponse au Covid-19. Donc, c'est possible, c'est à la portée du monde. Le monde doit réinventer de nouvelles formes de solidarité. Si en France, aux États-Unis, on sort de cette pandémie alors que dans le même temps l'Afrique continue à se battre, personne ne sera à l'abri car c'est un virus qui circule. On ne pourra pas continuer à fermer les frontières éternellement. Les gens doivent commercer, il y a des échanges. Il faut que cette demande soit prise en compte car l'Afrique fait partie du monde.

Pour vous, aider l'Afrique à faire face à la pandémie, c'est aider le monde entier ?

C'est le message que je veux faire passer au-delà de la solidarité demandée qui doit être entendue. Les exportations sont à l'arrêt et les pays africains avaient des ressources qui venaient de leurs exportations principalement de matières premières. Si ces pays n'exportent plus, c'est un manque à gagner terrible pour les gouvernements pour faire face à la pandémie. Tout est lié. Il faut absolument que nous consolidions le gel du remboursement d'abord pour la dette privée. Nous avons des experts africains très pointus en la matière qui peuvent travailler avec les institutions multilatérales, avec les pays prêteurs pour trouver les mécanismes tels que l'Union européenne est en train de les trouver.

On a vu que malgré la puissance nucléaire de certains Etats, un virus invisible a mis sur le tapis le monde entier. Cela doit nous amener à repenser l'avenir et la finalité de l'humanité.

Macky Sall

Quel est l'impact économique aujourd'hui au Sénégal de la pandémie de coronavirus ?

L'impact économique est beaucoup plus important que l'impact sanitaire. Le Sénégal est un pays à vocation touristique. Il n'y a plus de tourisme, car nous avons fermé les aéroports. Les hôtels sont fermés, les restaurants sont fermés. Ce sont des secteurs qui ont été frappés de plein fouet, sans compter les transports terrestres car les frontières terrestres sont aussi fermées entre les pays africains. Tout cela, c'est la conséquence du Covid-19. On estime à plus de 25 millions le nombre d'emplois perdus en Afrique sur les trois mois et si on ne fait rien cela va être une catastrophe et donc les conséquences économiques seront plus dramatiques que les conséquences sanitaires du Covid-19. C'est pour ça qu'il est important que l'Afrique soit accompagnée dans cette phase. Il faut des solidarités entre les pays et au sein des pays. Il faut repenser notre manière de vivre. Il faut revenir à l'homme et à l'humain et aux fondamentaux de la santé publique. 

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