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Le préjudice d'anxiété étendu à toute substance toxique : "Un pas considérable dans la bonne direction"

L'avocat Jean-Paul Teissonnière s'est félicité mercredi sur franceinfo de l'arrêt de la Cour de cassation qui élargit le périmètre du préjudice d'anxiété.

Article rédigé par franceinfo
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L'avocat Jean-Paul Teissonnière le 29 juin 2017. (PATRICK HERTZOG / AFP)

La Cour de cassation, qui a déjà ouvert la voie à l'indemnisation du préjudice d'anxiété pour tous les travailleurs exposés à l'amiante, a franchi un pas supplémentaire dans un arrêt rendu mercredi 11 septembre en élargissant le périmètre du préjudice d'anxiété à toute substance "nocive ou toxique", comme le demandaient des centaines de mineurs lorrains.

"En termes de prévention, c'est un pas considérable dans la bonne direction", a expliqué sur franceinfo Jean-Paul Teissonnière, avocat des mineurs lorrains.  "L'arrêt de la Cour de cassation vient sanctionner l'arrêt de la cour d'appel de Metz qui avait débouté les mineurs de leur demande d'indemnisation", s'est-il réjoui. "Elle réécrit les conditions à remplir pour pouvoir être indemnisé au titre du préjudice d'anxiété", a-t-il poursuivi.

"Désormais c'est l'ensemble des salariés exposés à des risques de produits toxiques pouvant entraîner des maladies graves qui peuvent bénéficier de l'indemnisation" si "l'employeur n'a pas pris les mesures pour préserver les salariés".

franceinfo : Quelle est votre analyse de cet arrêt de la Cour de cassation ?

Jean-Paul Teissonnière : L'arrêt de la Cour de cassation vient sanctionner l'arrêt de la cour d'appel de Metz qui avait débouté les mineurs de leur demande d'indemnisation. Pour transformer ce résultat, elle réécrit les conditions à remplir pour pouvoir être indemnisé au titre du préjudice d'anxiété. C'est une nouvelle lecture que donne la Cour de cassation après une première jurisprudence qui date du 11 mai 2010. C'est le parachèvement d'une longue construction juridique.

Cet arrêt va-t-il changer la vie et les indemnisations éventuelles de milliers de travailleurs ?

Oui, bien sûr. Désormais, le préjudice d'anxiété est ouvert non plus seulement aux travailleurs de l'amiante appartenant à la liste des entreprises répertoriées par le ministère du Travail, une partie faible des ouvriers exposés à l'amiante. Désormais, c'est l'ensemble des salariés exposés à des risques de produits toxiques ou des produits nocifs pouvant entraîner des maladies graves qui peuvent bénéficier de l'indemnisation à la condition de démontrer que l'employeur n'a pas respecté ses obligations au titre de l'obligation de sécurité. Ce n'est pas open bar, on ne se précipite pas pour demander dans n'importe quelles conditions le préjudice d'anxiété. Il faut apporter un certain nombre de démonstrations, mais c'est une ouverture indiscutable.

Ça ouvre la voie à de nombreux procès dans les prochaines années selon vous ?

Certainement, mais ce n'est pas seulement la question de la quantité des procès, c'est en termes de prévention que c'est une grande avancée. Dans les risques à effet différé, l'amiante, les cancérogènes, l'intervention du juge a lieu 30 ans après que la faute a été commise, lorsque la maladie apparaît. Tant que la maladie n'apparaît pas le juge n'intervient pas. Désormais, dès que la faute est commise, dès que l'exposition est démontrée, le juge peut intervenir. En termes de prévention, c'est un pas considérable dans la bonne direction.

Comment préciser ce qu'on appelle le préjudice d'anxiété dont vous êtes à l'origine ?

C'est la conscience d'avoir été exposé à un produit extrêmement nocif. Actuellement les exemples les plus fréquents ce sont les cancérogènes, l'amiante en est un excellent exemple. C'est la conscience d'avoir été exposé à un risque de maladie grave avec une sorte de présomption de fréquence et de déclenchement de l'apparition de la maladie. Un juge à Lille avait indiqué que ces gens-là vont vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, toute leur vie. Ce n'est pas une période limitée. A partir de là, ils savent que le risque va exister toute leur vie durant.

Quand la Cour de cassation dit aujourd'hui que ce préjudice est élargi à d'autres substances, a-t-on une idée du nombre de produits que ça concerne ?

Le nombre des produits c'est l'ensemble des cancérogènes, en premier lieu. Mais c'est aussi les neurotoxiques. On considère que 10% des travailleurs dans l'industrie sont exposés à des cancérogènes. C'est potentiellement une liste importante. Il faut tout à la fois que le risque soit suffisamment documenté et sérieux et que l'employeur n'ait pas pris les mesures pour préserver les salariés, qu'il n'ait pas appliqué la réglementation. Ce sont des conditions qui vont permettre d'encadrer cette évolution.

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