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Micro européen. 2021 : bicentenaire de l’indépendance grecque, indépendance toujours en danger

Se libérant du joug ottoman au XIXe siècle, la Grèce est encore et toujours perturbée par l’encombrant voisin.

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Vue générale d'Athènes, la capitale de la Grèce. Le 25 mars 2021, le pays va commémorer le bicentenaire de son indépendance. De nombreux chefs d’État, dont Emmanuel Macron seront attendus pour les festivités. (VINCENT ISORE / MAXPPP / IP3 PRESS)

C’est après quatre longs siècles d’occupation et d’annexion par l’empire ottoman que la Grèce se soulevait le 25 mars 1821 pour son indépendance, qui aboutira neuf ans plus tard à la création de l’État grec. De par cette annexion, les Grecs n’ont pas connu, notamment, l’époque de la Renaissance. Mais les "Lumières" françaises, la Révolution française de 1789 réveillaient les Grecs, dépossédés depuis 400 ans par le pouvoir ottoman.

Sous le joug ottoman pendant quatre siècles, mais résistants

Tout au long de cette occupation, les Grecs ont pu compter sur l’Église orthodoxe grecque qui résistait aussi à sa manière, en particulier par "l’école de la nuit", où les Popes instruisaient les jeunes Grecs, langue, culture, histoire, religion, le soir ; c’était le premier réseau de résistance anti-ottoman. Et cette résistance a vécu sa renaissance durant la Seconde Guerre mondiale, où le peuple grec a résisté et combattu les occupants allemands et italiens avec courage et abnégation, tel Manolis Glézos, l’homme qui décrocha le drapeau nazi de l’Acropole, "Premier résistant d’Europe" pour le Général de Gaulle.

Quant aux héroïnes et héros grecs de la guerre d’indépendance de 1821, citons entre autres, Laskarina Bouboulina, Manto Mavrogenous, Yannis Makriyannis, Alexandre Ipsilantis, Athanasos Diakos, Theodoros Kolokotronis, Konstantinos Kanaris, Alexandros Mavrokordatos, Konstantinos Stamatis, Rhigas Velestinis et Ioannis Kapodistrias.   

Les philhellènes fidèles à la Grèce 

Comme les a cités notre invitée, la journaliste Alexia Kefalas, les philhellènes, les amoureux de la Grèce, ont soutenu la révolte grecque, ils furent nombreux et solidaires pour le combat d’indépendance face aux 400 ans d’occupation ottomane. Victor Hugo, Eugène Delacroix, Mme de Staël, Hector Berlioz, Chateaubriand, Lord Byron, entre autres, et ne sont jamais oubliés par le peuple grec.

En majorité français, les philhellènes apportaient au peuple grec le souffle de la liberté, en prenant position pour la liberté d’un peuple opprimé. Les événements marquants des philhellènes sont notamment l’œuvre d’Eugène Delacroix en 1822, le Massacre de Chios qui se trouve au Louvre, ce massacre de l’île de la mer Égée avec 25.000 morts grecs et où 45.000 Grecs furent vendus comme esclaves.

Autre œuvre de Delacroix en 1824 : La Grèce sur les ruines de Missolonghi, qui se trouve au musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Il s’agit du siège ottoman de la ville de Missolonghi, où le général Markos Botzaris perdit la vie, en 1823, et qui va donner naissance en France, en 1825, au comité des philhellènes où Chateaubriand rédigea un "appel en faveur de la cause sacrée des Grecs".

Victor Hugo dans Les Orientales en 1826, prendra aussi position en faveur de la Grèce, et toujours Victor Hugo prendra fait et cause pour les Crétois en 1866, face à l’holocauste du monastère d’Arkadi perpétré par les Ottomans, quand les Crétois s‘étaient révoltés contre l’occupant avec ce texte historique : 

"Pourquoi la Crète s’est-elle révoltée ? Parce que Dieu l’avait faite le plus beau pays du monde, et les Turcs le plus misérable ; parce qu’elle a des produits et pas de commerces, des villes et pas de chemins, des villages et pas de sentiers, des ports et pas de cales, des rivières et pas de ponts, des enfants et pas d’écoles, des droits et pas de lois, le soleil et pas de lumière. Les Turcs y font la nuit."
- Victor Hugo -

Enfin, Hector Berlioz composa en 1826, Scène héroïque (la Révolution grecque). Ce seront aussi de nombreux Européens à rejoindre les révolutionnaires grecs afin de se battre à leurs côtés, tels d’anciens soldats de Napoléon. Aujourd’hui, la plus célèbre des philhellènes est l’académicienne Jacqueline de Romilly (1913-2010). C’est aussi pourquoi les grecs du XXe siècle n’ont jamais oublié que c’est l’avion de la République française qui ramena de retour d’exil en 1974 le Premier ministre, Konstantinos Karamanlis avec Vassilis Vassilikos, l’auteur de "Z" dont Costa-Gavras porta à l’écran le film éponyme.

Une fête nationale très symboliquement européenne 

Ainsi le bicentenaire du 25 mars 1821, 25 mars, date de la fête nationale grecque, sera commémoré avec un profond sentiment patriotique, où l’amitié avec la France n’est pas oubliée. Les festivités du bicentenaire sont organisées par Gianna Angelopoulos, présidente du comité du bicentenaire, ancienne députée et avocate, elle avait présidé avec brio les Jeux olympiques d’Athènes en 2004. Et son nom est souvent cité pour le poste de présidente de la République hellénique.

Pour ces festivités du 25 mars prochain, de nombreux chefs d’État, dont Emmanuel Macron seront attendus pour les commémorations du bicentenaire. Et comme l’a précisé Alexia Kefalas, ce même 25 mars 2021, se tiendra un sommet européen sur la question turque, à savoir sanctions ou pas à l’égard d’Ankara. 

1821- 2021, les grecs plus vivants que jamais 

Malgré la crise économique de 2008 qui mit la Grèce à genoux, aujourd’hui l’épidémie de Covid-19 (177 494 cas confirmés, 6 249 décès pour un peu plus de 10 millions d’habitants, chiffres wordometers.info), le bicentenaire est vécu comme un souffle ardent et salvateur pour les Grecs.

Les éditions grecques sur 1821 sont nombreuses, autant pour les adultes que pour les plus jeunes ; de nombreux spectacles sont mis en scène retraçant l’épopée hellénique de l'Indépendance, de nombreuses manifestations commémoratives sont prévues en 2021, et l’Opéra national de Grèce présentera entre autres l’œuvre de celui que l’on appelle le "Verdi grec", Pavlos Carrer avec son opéra Frossini. Enfin, la Banque Nationale de Grèce (Τράπεζα της Ελλάδος), créée à l’indépendance du pays, a lancé une pièce de collection de 1 euro représentant le tableau du peintre Theophilos Hadjimichaíl  (Θεόφιλος Χατζημιχαήλ) (1867,70 ?-1934)La Grèce renaissante

L’esprit de résistance hellénique

Les célébrations de l’indépendance de 1821 face aux quatre siècles d’occupation ottomane, qui n’ont jamais mis les Grecs à genoux, symbolisent pour la nation grecque et les philhellènes l’éternel esprit de résistance chez les Grecs.

Il faut dire que la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan n’a de cesse de violer l’espace maritime et l’espace aérien grec. Qu’il s’agisse de navires de recherches pour les hydrocarbures dans les fonds marins de la mer Égée, ou des bâtiments de guerre narguant les littoraux grecs, ou encore des avions de chasse survolant sans cesse le ciel grec, le sultan d’Ankara, qui a déjà supprimé toute forme d’opposition dans son pays, réitère inlassablement ses actions militaires contre la Grèce, accompagnées de discours bellicistes et revendicatifs sur certains territoires grecs.

Il faut dire que le maître d’Ankara a tendance à s’étendre hors de sa zone géographique. Ses interventions militaires en Syrie, en Libye, dans le Haut-Karabagh, sont autant de menaces pour la région de Méditerranée orientale, et attisent les tensions envers la Grèce et Chypre, sans compter son "soft power" appliqué au Kosovo, en Albanie, en Macédoine du Nord et en Bosnie-Herzégovine ; certains observateurs parlent même d’un "impérialisme néo-ottoman". Concernant ses appétits maritimes, Recep Tayyip Erdoğan ne reconnaît nullement le droit de la mer, la Turquie n’ayant jamais signé la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer. Cette non-reconnaissance turque est fortement appliquée aux Zones Economiques Exclusives grecques (ZEE).

D’où le principe "erdoganien ?" de "Patrie  bleue", soit une domination turque sur la Méditerranée, la mer Caspienne et  la mer Noire. En fait, tout est bon pour Recep Tayyip Erdoğan pour encercler la Grèce et l’étouffer. C’est la raison pour laquelle durant la dernière crise en mer Egée, la France a aidé la Grèce avec l’envoi de la frégate furtive Lafayette, appuyée par deux avions Rafales, et dernièrement la Grèce s’est dotée aussi de Rafales français et peut-être d’une frégate française.

Comment alors se comporteront les Européens  face à la Turquie lors du sommet du 25 mars prochain ? La question se pose quand on sait que l’Allemagne compte 4 à 5 millions de Turcs, que le "soft power" de Recep Tayyip Erdoğan est aussi en marche dans les États membres de l’UE, pour preuve, quand la presse française pointe le doigt sur l’influence d’associations turques à Strasbourg et dans toute l’Alsace, il faut dire que le nouveau bâtiment turc à Strasbourg, aux allures de bunker, regroupant le consulat turc et la représentation turque auprès du Conseil de l’Europe, prête à bien des spéculations et à de nombreuses interrogations. 

Un bicentenaire qui arrive à point nommé 

Si les Grecs de 1821 et de 2021 sont toujours les héritiers de Périclès et de Léonidas, ce bicentenaire voit poindre le renouveau du patriotisme hellénique pour le plus grand bien des générations à venir. Il faut dire que l’histoire de la Grèce remonte à quelque 3 000 ans, quel héritage !

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