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Le monde d'Elodie. Macha Méril : "J'étais indignée de cette discrimination : confiner les personnes âgées"

La comédienne et auteure affronte avec vaillance le virus et s'indigne qu'on ait pu envisager de confiner les seniors plus longtemps que les autres.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Macha Méril et Michel Legrand au Festival de Cannes, le 17 mai 2017. (JACKY GODARD / JACKY GODARD)

Elodie Suigo : Macha Méril, vous être actrice, écrivain, vous avez tourné avec les plus grands grands, Godard, Pialat, Bertrand Blier, Lelouch. Vous êtes indissociable du compositeur Michel Legrand qui a été votre époux jusqu’à sa disparition le 26 janvier 2019. Comment vivez-vous le confinement ?

 

Macha Méril : Le confinement, pour nous les gens qui écrivent, les artistes en général, c’est un peu notre pain quotidien, c’est à dire le peintre devant sa toile, moi quand j’écris ou quand j’apprends un texte... La situation de s’isoler n’est pas tout à fait étrangère aux créateurs. Là, ce qui est formidable, c’est que tout le monde découvre les bienfaits du confinement. Je suis assez optimiste parce qu’on avait besoin de réfléchir, de se demander comment on vit, ça c’est le bon côté. Le mauvais côté, c’est qu’évidemment on n’était pas faits pour rester enfermés à la maison. Alors, j’ai trois espoirs : le premier c’est qu’on va arrêter de se lécher le museau, les bisous ! Qu’est-ce qui a pris la France, depuis une dizaine d’années, d’être obligés de s’embrasser tout le temps ! Les hommes entre eux, les femmes, les enfants... Je trouve que ce n’était pas naturel. Je pense qu’un petit peu de culture japonaise ne nous fera pas de mal ! Deuxièmement, peut-être que la France va se ressouder un peu ? Peut-être que les Français vont arrêter de râler tant et voir qu’on est tous à la même enseigne face à la santé. Et puis troisièmement il faut absolument qu’on re-localise les industries de première nécessité et d’une façon générale, qu’on réindustrialise la France.

Vous allez avoir 80 ans, comment vivez-vous ce virus ? Vous angoisse-t-il ?

Il est injuste ce virus parce qu’il ne traite pas tout le monde de la même façon. Moi, je suis d’une santé dégoûtante ! J’ai 80 ans cette année, mais pas dans mes muscles ni dans ma tête, je ne me sens pas du tout visée par ce virus. Mais ça m’oblige aussi à penser à la responsabilité qu’on a vis à vis des autres, c’est à dire que justement on est un peu plus costaud, peut-être qu’il faut tendre la main, s’occuper des autres, pas d’une façon charitable -moi j’ai horreur de la charité chrétienne, ces choses qu’on vous rembourse quand vous arrivez au paradis. Non !- C’est faire partager la chance qu’on a d’avoir une bonne santé. Je me suis naturellement indignée contre cette mesure discriminatoire qui voulait que les personnes âgées continuent à être confinées plus sévèrement. Parce que la nature ce n’est pas juste vous savez !

 

Vous êtes fille d’immigrés russes, princesse, la France on sent que c’est un pays qui vous touche énormément...

Je dois beaucoup à la France. Je peux remercier mes parents d’avoir choisi la France plutôt qu’un autre pays quand ils ont dû tragiquement quitter la Russie à la révolution parce qu’ils étaient des aristocrates et évidemment qu’ils ont tout perdu. Donc c’est eux qui ont eu la vie très dure. Moi, deuxième génération, un peu comme mon héroïnes, dans le livre que je viens d’écrire, j’ai bénéficié des efforts de mes parents et de la lucidité que l’a donné l’immigration, qui peut être un drame pour beaucoup mais c’est aussi une chance, parce que ça nous fait voir les choses de façon plus lucide et plus cruelle. C’est à dire, ne comptez que sur soi-même.

Votre livre, Vania, Vassia et la fille de Vassia est sorti juste avant ce confinement. Coup dur pour vous ?

 

Oui et non. Je pense que je vais traverser cette période et que ce sera un livre que les gens pourront acheter pour l’été, parce que ce livre est un grand bol d’oxygène : c’est l’histoire d’une femme qui réussit en France, c’est à dire que moi, j’en ai marre qu’on dise que l’ascenseur social ne marche pas en France ! Parce que ce n’est pas vrai, il y a des chances en France qu’il n’y a pas dans d’autres pays.

Beaucoup de Français rendent hommage aux soignants et se rendent compte que les "petits" sont au chevet des patients, cela vous touche ?

Voilà la réflexion qui va découler de ce confinement, c’est qu’on va se rendre compte que vraiment on a besoin de tout le monde, de tout le corps social. Et puis je suis sensible aux gens qui aiment ce qu’ils font et dans le corps médical c’est souvent le cas. Ce sont des gens qui sont passionnés de sauver des vies, d’être utiles, il était temps qu’on mette un coup de phare sur eux. Ce virus, il va réveiller les consciences. Il faut ré-réfléchir à la société. J’invite à plus de frugalité. Je crois qu’on a été dans une débauche de consommation, j’espère qu’on va peut-être être un peu plus raisonnables. 

 

Votre premier souhait dans le monde d’après ?

Moi je voudrais pouvoir réaliser les désirs que nous avions Michel Legrand et moi, c’est à dire ce grand festival Michel Legrand, un prix Michel Legrand récompensera des musiciens de films... Il m’a appris à sélectionner, à aimer ce qui est vraiment beau. Ça va un peu dans le sens du post-confinement : je vais vraiment valoriser ce qui a été vraiment admirable dans la musique de Michel Legrand.

Merci Macha Méril, Vania, Vassia et la fille de Vassia, c’est le roman que vous venez de sortir aux éditions Liana Lévi.

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