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"On disait que 2020 ce serait le futur, eh ben pas du tout" : avoir 10 ans à l’heure du Covid-19, c’est aussi difficile que pour les adultes

La vie masquée, le couvre-feu, les copains qu'on voit un peu moins le week-end, et puis l'école, aussi, en temps de Covid-19... Ce n'est pas facile d'avoir 10 ans en pleine épidémie.

Article rédigé par franceinfo - Valentin Dunate
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Devenu obligatoire à l'école, le masque de protection contre le coronavirus est entré dans le quotidien des enfants. Photo d'illustration.  (C.M / RADIO FRANCE)

Avoir 10 ans en 2021 à l'heure du Covid-19, du confinement, du couvre-feu, des écoles fermées, pour les enfants c'est un peu comme pour les adultes. Ils ressentent en effet ces événements de manière assez similaire. Ce n'est pas étonnant d'ailleurs, puisque à cet âge, ils imitent ou se calent souvent sur ce que disent leurs parents. "À part des gens qui meurent et rester cloué chez soi pendant presque la moitié de l'année, on n'a pas avancé, fait remarquer tristement Baptiste, 11 ans. Il y a longtemps, on disait que 2020 ce serait le futur, eh ben pas du tout." 

Ces enfants ont été privés de l'école, du sport, de la culture. Ifriqiyya, 9 ans, a l'impression que ça n'est pas vraiment la vie.

C'est plutôt une prison invisible qui te prive de plein de choses qui nous font exploser, qu'on ne peut pas forcément contrôler.

Ifriqiyya

à franceinfo

Jeanne décrit, tout sourire, à sa manière, une autre prison. "Je me souviens quand j'étais chez moi en train de faire mon travail, que je regardais par la fenêtre, et qu'il y avait un beau ciel bleu avec un super beau soleil qui était en train de nous narguer et de nous dire : 'Vous êtes enfermés dedans, et moi je suis dehors ! Ça, je pense que je m'en souviendrai vraiment toute ma vie !" 

Un autre souvenir marquant qui peut paraître anodin, mais que tous les enfants ont mentionné : ne pas être proche des gens, des copains, de la famille, des grands-parents. Et notamment pour un jour très important pour eux, l'anniversaire que Clémentine et Jeanne n'ont pas pu fêter il y a un an.

On n'a toujours pas fêté mon anniversaire depuis avril l'année dernière et ça me manque un peu de revoir mes amis en groupe.

Clémentine

à franceinfo

"Pour moi, complète Jeanne, le concept de fêter un anniversaire c'est hors du commun, c'est fantastique !" Les adultes ont le langage et les mots pour communiquer. Les enfants, eux, font beaucoup plus attention aux expressions du visage, désormais masqué. Malo et Ifriqiyya nous en parlent. "Le visage, la bouche et le nez peuvent parfois exprimer des émotions donc c'est un peu compliqué", note Malo. "Pour vraiment voir les têtes des gens, les expressions des gens, maintenant on apprend le langage des yeux, complète Ifriqiyya. C'est bien, mais franchement, je n'ai pas connu mes profs avec leur vrai visage...."

Reste une question décisive : combien de temps encore vont-ils pouvoir tenir ? La plupart, comme Clémentine ou Malo, préfèrent rester positifs. "Je suis assez optimiste, assure Clémentine. Je préfère imaginer que tout se passera bien. Malo, lui, "ne sais pas s'ils vont réussir à vacciner tout le monde avant que y en ait qui refilent la maladie", dit-il. "Je sais pas, c'est un peu au pif mais je pense que ça ira mieux dans un ou deux mois. Enfin j'espère, parce que ça m'énerve." Sacha quant à lui est plus pessimiste. Pour un retour à la vie normale, mais vraiment normale ? "Je m'apprête à attendre assez longtemps, dit-il. Peut-être jusqu'en 2024, voire 2025..."

Les tentatives de suicide ont doublé chez les moins de 15 ans

Cette ambiance, anxiogène parfois, a aussi des conséquences. La cheffe du service de pédopsychiatrie de l'hôpital Necker, à Paris, observe pour sa part depuis deux mois un doublement des tentatives de suicide chez les moins de 15 ans. Un constat partagé par cette spécialiste avec d'autres collègues de pédopsychiatrie, comme à la Pitié-Salpêtrière ou à l'hôpital Debré. "Ce qui fait la spécificité de la situation actuelle, ce n'est pas simplement l'existence de contraintes, mais l'incertitude dans laquelle nous sommes, explique Samuel Pasquier, psychiatre et pédopsychiatre… Et dans cette conjoncture, le père ou la mère ordinaire, ou même le super papa ou la super maman peu importe, n'est pas en mesure de rassurer son enfant."

Il y a donc là une double défaillance pour les enfants : l'environnement extérieur n'est pas sûr et en même temps, il y a une défaillance des parents qui ne sont plus en état de protéger leurs enfants.

Samuel Pasquier, pédopsychiatre

à franceinfo

"Cela va amener les enfants à réagir, complète le praticien. On le voit bien pour les enfants des périodes de guerre : cela peut entraîner une hyper-maturité, comme cela peut entraîner un surcroît d'angoisse." Cette situation peut aussi entraîner d'autres choses plus positives. "Ma première idée, rêve Jeanne, ce serait qu'on déménage sur une planète où il n'y aura pas de pangolins. Ni de chauves-souris. Mais bon, je ne suis pas sûre que c'est possible..."

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