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Viols, brutalités, loi du silence... En Corée du Sud, de vives souffrances se cachent derrière les succès sportifs

Après les révélations de jeunes athlètes accusant des entraîneurs de violences et d'abus sexuels, le gouvernement sud-coréen lance une enquête gigantesque, la plus importante de l’histoire du sport du pays.

Article rédigé par franceinfo, Frédéric Ojardias
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
La double championne olympique de patinage, Shim Suk-hee, ici le 23 janvier 2019, accuse son ancien entraîneur de l'avoir battue pendant des années.  (TATYANA ZENKOVICH / EPA)

En Corée du Sud, le gouvernement a annoncé vendredi 25 janvier le début d’une enquête de grande ampleur, après les révélations de jeunes sportifs de haut-niveau faisant état de violences et de viols, de la part de certains entraîneurs.

Des accusations lancées par un championne 

La double championne olympique de patinage, Shim Suk-hee, accuse son entraîneur, Cho Jae-bom, de l’avoir violé de façon répétée depuis ses 17 ans. Elle accuse aussi l’homme de l’avoir battue régulièrement depuis l’âge de 7 ans. Il lui a un jour cassé les doigts avec une crosse de hockey. Ces révélations ont fait l’effet d’une bombe. Elles ont encouragé une autre victime, une judokate, à prendre la parole à son tour et à accuser son entraîneur de l’avoir violée à plusieurs reprises, depuis qu'elle est lycéenne. Ces viols ne sont que "la partie émergée de l’iceberg", assure une association de patineurs, qui affirme avoir pris connaissance en deux mois de cinq autre cas d’abus sexuels contre des sportifs professionnels, dont des mineurs.

Des abus que personne ne voulait voir

La Corée du Sud est fière de ses succès sportifs. En patinage de vitesse sur piste courte par exemple, le pays compte 24 médailles olympiques et c'est un record. Mais ces réussites cachent des pratiques brutales. Les sportifs sont confiés très jeunes à des entraîneurs tout puissants, qui disposent d’un pouvoir démesuré sur leurs poulains. Ces jeunes vivent dans des dortoirs, coupés de leur famille. Pour être le meilleur, on accepte tous les sacrifices... et on ferme les yeux en cas de problème. Ce système facilite les abus d’autorités et les violences. Des athlètes ont par exemple accusé leur entraîneur de vérifier leur smartphone afin de contrôler au plus près leur vie privée, leurs relations sociales et amoureuses. Et les victimes préfèrent se taire : elles ont tout sacrifié pour leur sport, notamment l’école. Elles ont peur de se retrouver sans alternative si leur carrière sportive se termine de façon abrupte.

Une immense indignation

Le président sud-coréen a parlé "d’humiliation" pour le pays. Vendredi, le gouvernement a annoncé une enquête, qui sera la plus importante de l’histoire du sport du pays : 30 000 athlètes, entraîneurs et responsables seront interrogés pendant un an. Le gouvernement a aussi promis de réviser la loi pour envoyer en prison les dirigeants d’associations sportives accusés d’étouffer les affaires de violences sexuelles. "Nous devons sortir de cette mentalité de vouloir gagner à tout prix (...). Nous ne pouvons plus infliger cette compétition féroce aux athlètes au nom du prestige national", a déclaré le ministre des Sports. En osant enfin lever la voix, ces courageuses athlètes semblent avoir réussi à provoquer un véritable réveil des consciences.  

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