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Attentat de Charlie Hebdo : ce sont des "opinions qu'on a voulu faire taire", estime Riss

Riss, directeur de la rédaction de "Charlie Hebdo", est l'invité de franceinfo le 1er novembre 2019.

Article rédigé par franceinfo, Jean-François Achilli
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
Riss, directeur de la rédaction de "Charlie Hebdo", invité de franceinfo le 1er novembre 2019. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

"Ce sont des journalistes et des dessinateurs qui ont été assassinés, ce sont des gens qui ont une voix, qui ont des propos, qui ont une opinion, donc ce sont ces opinions-là qu'on a voulu faire taire", estime Riss, directeur de la rédaction de Charlie Hebdo, vendredi 1er novembre sur franceinfo. "On a voulu faire taire des gens qui prenaient la parole et émettaient des opinions politiques, donc c'était un crime ciblé pour moi."

Le directeur de la rédaction de Charlie Hebdo, lui-même rescapé de l'attaque terroriste du 7 janvier 2015 dans les locaux du journal, vient de publier "Une minute quarante-neuf secondes", le récit de l'attaque. Dans ce livre, il utilise notamment le terme d'"innocents" pour désigner ses camarades journalistes et dessinateurs assassinés. "On a dû entendre des discours, dans les semaines qui ont suivi l'attentat, selon lesquels Charlie avait un peu cherché tout ça, qu'on était un petit peu responsables de ce qui nous était arrivé, ce qui est quand même assez pénible à entendre. Moi, je considère qu'on est responsables de rien et que donc on est innocents", indique Riss.

"Un aveu d'impuissance de l'Etat"

Alors que dans les jours qui avaient suivi l'attaque, le slogan en soutien aux victimes et à leur philosophie "Je suis Charlie" avait été largement diffusé dans le monde entier, le dessinateur évoque ceux qui ne sont "pas Charlie". "Je ne sais pas s'ils sont très nombreux, mais en tout cas ils font du bruit", déclare-t-il. "Je crois qu'il ne faut pas se laisser impressionner par ces discours, qui sont assez véhéments et parfois agressifs [...] Il faut aussi répondre, c'est un peu le but de ce livre".

Le directeur de la rédaction de Charlie trouve aussi inquiétant l'appel d'Emmanuel Macron à une "société de la vigilance", appel lancé après l'attaque à la préfecture de police de Paris par le chef de l'État. "C'est un aveu d'impuissance de l'État et des pouvoirs publics", estime Riss. "Ce qui doit être surveillé, ce n'est pas aux citoyens, qui à mon avis n'en ont pas les moyens ni les compétences, [de le faire]. Donc c'est un peu un aveu de faiblesse, qui n'est pas très rassurant".

"Charlie Hebdo" est "à nouveau vivant"

Sur la question des dessins de presse, Riss, lui-même dessinateur, estime qu'ils sont aujourd'hui, si ce n'est en danger, "un peu négligés". "On avait été un peu choqués par le fait que le New York Times renonce à publier des caricatures. C'est vrai que la caricature, le dessin satirique, c'est toujours un peu gênant, parfois ça choque, or c'est une forme d'expression qui fait partie de l'histoire de la presse, qui fait partie de l'histoire de la liberté d'expression. Et quand on voit disparaître une forme d'expression, c'est un appauvrissement de la liberté d'expression." 

Riss assure par ailleurs que Charlie Hebdo est un journal "plein de projets" et "dynamique", aujourd'hui. "Cinq ans après, [c'est] un journal qui est à nouveau vivant", selon lui, même si "la page de ce qui s'est passé ne sera jamais tournée".

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