Si elle y allait, il n'y avait pas match." Cette confidence, lâchée par une proche de Najat Vallaud-Belkacem, résume bien l'état d'esprit ambiant au Parti socialiste. Jeune, populaire chez les militants et connue du grand public, l'ancienne ministre de François Hollande avait le CV idéal pour prendre la tête du parti.
"Pour moi, le prochain boss, ça sera une [boss], et j'espère que ça sera une incarnation forte, quelqu'un qui pourra donner le sentiment que le 'PS is back'", indiquait dans un sourire entendu Olivier Faure au cours d'un entretien accordé à Konbini à la mi-décembre, alors qu'il n'était lui-même pas encore candidat au poste de premier secrétaire.
Face à Najat Vallaud-Belkacem, Delphine Batho a expliqué qu'elle "n'aurait en aucun cas été candidate", et il y a fort à parier que Stéphane Le Foll ne s'y serait pas risqué.
L'hypothèse "NVB" a tenu en haleine le parti durant de longs mois. Dès la fin du quinquennat de François Hollande, l'encore ministre de l'Education réunit autour d'elle une équipe de quadragénaires pour discuter politique et préparer l'avenir. Parmi les habitués de ces dîners et apéros, Olivier Faure, patron des députés socialistes, Johanna Rolland, maire de Nantes, Carole Delga, présidente de la région Occitanie, Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand, Matthias Fekl, éphémère ministre de l'Intérieur, ou encore Jean-François Debat, le trésorier du parti.
Le "groupe des quadras", comme il est surnommé, survit aux déboires électoraux, et continue de se voir après le mois de juin. "Ce qui les rassemble, c'est avant tout des liens d'amitié et une certaine aversion pour les coups de billard à huit bandes : ils se disent les choses sans fard", glisse l'entourage de Najat Vallaud-Belkacem.
Réunis sur le groupe WhatsApp "Socialists forever" qu'elle a créé pour faciliter les échanges, ils planchent durant l'automne sur la reconstruction du PS. Certains imaginent déjà leur "Najat" porter la contradiction à Wauquiez et à Macron. "Ça aurait de la gueule !" s'enthousiasment-ils.
L'ancienne ministre, elle, prend son temps. Elle a prévu de s'exprimer dans un entretien à L'Obs pour dévoiler son nouveau projet : la direction d'une collection d’essais au sein de la maison d'édition Fayard, dans laquelle publieront des chercheurs attachés au "progressisme". Fin décembre, la quasi-totalité de l'interview est prête, mais NVB ne donne pas encore sa réponse à la dernière question : va-t-elle se lancer dans la course au Parti socialiste ?
Le 3 janvier, les espoirs des "quadras" sont douchés. A la fameuse dernière question de L'Obs, Najat Vallaud-Belkacem répond n'avoir "jamais voulu d'une vie réduite à la politique".
Pour ses soutiens, ce choix est une déception, mais pas vraiment une surprise. Dans l'entourage de certains quadras, on remarque que Najat Vallaud-Belkacem n'a pas fait preuve d'un "enthousiasme franchement débordant".
Depuis plusieurs semaines, elle prend soin, en effet, de ne laisser filtrer aucun indice sur ses intentions. En pleine hésitation, elle consulte ses plus proches collaborateurs, eux-mêmes partagés. Après lui avoir conseillé de "souffler", son désormais ex-conseiller François Pirola l'aurait bien vue se lancer dans la bataille, comme l'expliquait Libération en novembre. Son ancienne cheffe de cabinet au ministère, Eleonore Slama, raconte quant à elle avoir été tiraillée : "En tant que militante socialiste, j'avais envie de la voir relever le défi. Mais en tant qu'amie, je comprenais et respectais son aspiration à prendre du recul et à s'engager sur des champs qui lui tiennent à cœur."
Ses proches veulent aussi la protéger. Ils restent marqués par le climat de fake news, de rumeurs malveillantes et d'attaques sexistes qu'elle a eu à affronter lors son passage au gouvernement. La question de la rémunération se pose aussi : le poste de premier secrétaire du PS demande un engagement intense, mais est honoré à titre gratuit. Pas évident à gérer quand on n'a plus aucun mandat... donc aucune indemnité.
L'ancienne ministre, qui va pouvoir enfin passer son permis de conduire et profiter de ses jumeaux de 9 ans, laisse un vide au PS. Du côté de la rue de Solférino, son renoncement a en tout cas un effet immédiat.