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La diffusion des enregistrements de Laurent Wauquiez par "Quotidien" était-elle "illégale" ? On a posé la question à une avocate

Le président des Républicains a menacé l'émission "Quotidien" de "suites judiciaires", estimant que les enregistrements de son cours étaient illégaux. Mais que dit la loi à ce sujet ? Franceinfo a posé la question à une avocate spécialiste du droit de la presse.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Laurent Wauquiez lors d'un meeting des Républicains à Toulon (Var), le 6 décembre 2017. (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

Il dénonce "des méthodes de voyou". Laurent Wauquiez a annoncé, mardi 20 février, son intention de "porter plainte" après la diffusion sur TMC, dans l'émission "Quotidien", d'un enregistrement réalisé à son insu lors d'un de ses cours à l'EM Lyon. Plus tôt dans la journée, le porte-parole des Républicains Gilles Platret avait déjà dénoncé un acte "illégal".

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"En France, on ne peut pas enregistrer quelqu'un à son insu", a martelé le député sur RTL. Ces enregistrements sont-ils vraiment contraires à la loi ? Delphine Meillet, avocate spécialiste du droit de la presse, apporte son éclairage à franceinfo.

Franceinfo : Etait-il illégal d'enregistrer Laurent Wauquiez pendant ce cours à l'EM Lyon ?

Delphine Meillet : En théorie, il est illégal d'enregistrer quelqu'un à son insu, si cela porte atteinte à sa vie privée. Ce cas est toutefois différent. Laurent Wauquiez n'avait pas donné son accord pour être enregistré, mais il s'exprimait dans le cadre d'un cours. Par nature, ses propos ne peuvent en aucun cas être considérés comme confidentiels. Ce sont au contraire des informations que les étudiants sont censés retranscrire.

Laurent Wauquiez est par ailleurs une personnalité de premier plan, qui parle d'un sujet d'intérêt général, la politique. Il est difficile de croire qu'il ne se doutait pas que ses propos puissent se retrouver dans l'espace public.

S'il avait parlé de son intimité, de sa vie privée, on aurait pu estimer qu'il était contraire à la loi de l'enregistrer. Mais dans la mesure où il évoque un sujet d'intérêt général, tous les obstacles juridiques sautent.

Delphine Meillet, avocate spécialiste du droit de la presse

à franceinfo

Il existe en outre un précédent. Le majordome de Liliane Bettencourt avait enregistré des conversations privées, mais la Cour de cassation a jugé en 2012 que ces documents étaient valables parce qu'ils avaient un intérêt pour l'enquête [le majordome et les cinq journalistes poursuivis pour la diffusion de ces enregistrements ont été relaxés par la cour d'appel de Bordeaux en 2017].

La diffusion de ces enregistrements par "Quotidien" est-elle contraire à la loi ?

Rien n'empêche la diffusion de ces enregistrements, dans la mesure où il s'agit d'un sujet d'intérêt général. Ce concept a été créé par la Cour européenne des droits de l'homme pour garantir la liberté d'expression : c'est une sorte de paravent pour les journalistes, qui permet de divulguer des informations qui intéressent l'opinion publique. Si l'affaire était portée devant un juge, il mettrait dans la balance : d'un côté, l'intérêt général ; de l'autre, la protection de la vie privée. Ici, encore une fois, il n'est pas question d'atteinte à la vie privée.

Selon des captures d'écran obtenues par Ouest-France, un journaliste de l'émission a contacté les étudiants avant le cours. Gilles Platret assure qu'il leur a demandé d'enregistrer Laurent Wauquiez. Une telle demande serait-elle répréhensible ?

Ce n'est pas très déontologique... Mais les "taupes" existent depuis la nuit des temps et ce n'est pas forcément contraire à la loi.

Delphine Meillet, avocate spécialiste du droit de la presse

à franceinfo

Certains reportages télévisés, obtenus par caméras cachées, sont jugés légitimes parce que le sujet est d'intérêt général. Il existe des sujets tellement importants que le mode d'enregistrement est valable juridiquement, même si la méthode est contestable moralement.

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