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La fronde des députés PS a-t-elle fait flop ?

Après l'adoption du budget rectificatif de la Sécurité sociale avec une majorité plus large que prévue, l'heure est au bilan pour la quarantaine de députés socialistes hostiles à la ligne Valls.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
De gauche à droite, les députés PS Laurent Baumel, Christian Paul et Jean-Marc Germain, à l'Assemblée nationale, le 4 juin 2014. (  MAXPPP)

Malgré la fronde d'une trentaine de députés socialistes, l'Assemblée nationale a adopté, mardi 8 juillet, le projet de loi de finances rectificative de la Sécurité sociale, par 272 voix contre 234. Un résultat moins serré que prévu, qui démontre que le gros des troupes socialistes continue à faire confiance à Manuel Valls et François Hollande.

Depuis leur acte fondateur, fin avril, lorsque 41 d'entre eux (sur 290 députés socialistes et apparentés) s'étaient abstenus sur le vote du pacte de stabilité de Manuel Valls, les frondeurs ont perdu des adeptes. Après l'adoption de ce texte controversé mettant en œuvre le pacte de responsabilité, la question se pose : la fronde des députés PS a-t-elle fait flop ?

Oui, elle n'a pas réussi à convaincre la majorité des socialistes

Mardi après-midi, ils n'ont été que 33 à s'abstenir sur le projet de loi rectificative de la Sécurité sociale. Et aucun n'a voté contre, contrairement à ce qu'ils avaient laissé entendre avant le scrutin.

Parmi eux, une bonne moitié provient de l'aile gauche du parti, quelques autres (comme Christian Paul et Jean-Marc Germain) sont des proches de Martine Aubry. Certains, comme Laurent Baumel ou Daniel Goldberg, s'investissent parallèlement dans des clubs parlementaires tels que la Gauche populaire ou la Gauche durable.

Si ce front du refus n'a pas réussi à s'élargir au fil des mois, "c'est que des collègues ont subi des pressions, estime un frondeur, contacté par francetv info. La plupart des députés socialistes sont tiraillés : ils sont d'accord avec nous sur le fond, mais n'osent pas rompre avec la discipline de groupe."

Non, elle est parvenue à se faire entendre

Si elle n'a pas réussi à rallier autant qu'elle aurait pu l'espérer, au moins la fronde des députés PS est-elle parvenue à se rendre audible dans les médias. Certains députés du camp majoritaire pestent d'ailleurs régulièrement contre la presse, qui accorderait une attention démesurée aux frondeurs par rapport à leur réel poids dans l'hémicycle.

Mais les contestataires sont persuadés d'être le relais d'une colère largement partagée au sein de l'électorat de gauche, notamment celui qui a boudé les urnes en mars, lors des municipales, et en mai, aux européennes. Le jour où la CGT et FO claquent la porte de la conférence sociale chère à François Hollande, le vote des frondeurs n'est pas anodin. "Les syndicats sont sur la même ligne que nous, ils réclament des investissements pour les collectivités et des gestes pour le pouvoir d’achat", affirme l'un d'eux à Europe 1.

De ce point de vue, les frondeurs ont réussi, en quelques mois, à incarner cette France qui a voté Hollande en 2012 mais qui vit comme une trahison le tournant amorcé dès la fin 2012 avec le crédit d'impôt pour les entreprises (CICE) et amplifié avec le pacte de responsabilité annoncé en janvier, qui prévoit de nouvelles baisses d'impôts pour les entreprises.

Oui, elle n'a pas obtenu de concessions majeures du gouvernement

Après plusieurs mois de fronde, le bilan concret de cette opposition de l'intérieur ne saute pas aux yeux. Sur la plupart des sujets, le gouvernement a tenu bon et refusé de reculer. Dans une ultime lettre destinée à convaincre ses collègues récalcitrants à voter le budget rectificatif de la Sécurité sociale, consultée par Le Lab, le patron des députés PS, Bruno Le Roux, a listé les concessions consenties par Valls depuis début avril : allègements de cotisations salariales pour les bas salaires, baisse de l'impôt sur le revenu pour les foyers modestes, etc.

Mais "on n'a pas obtenu d'avancée majeure. En tout cas, elles ne sont pas à la hauteur. Ce n'est pas une réussite en termes de résultat", convient Laurent Baumel, interrogé par francetv info sur le bilan de cette fronde. Le député d'Indre-et-Loire regrette que les députés se retrouvent "face à un mur, avec un Premier ministre qui ne veut pas tenir compte des différentes sensibilités de sa majorité".

Non, elle pourrait prospérer dans les mois à venir

Si la contestation ne fait pas tache d'huile sur les bancs du groupe PS, peut-elle être le point de départ d'une recomposition de la gauche ? Certains, parmi les frondeurs, l'évoquent à demi-mot. "Nos amendements n'ont pas été retenus. Mais certains ont recueilli les suffrages des radicaux, du MRC, des écologistes et du Front de gauche", souligne le député Pouria Amirshahi dans Libération.

"Quelque chose bouge à gauche, lentement, très lentement, trop lentement, certes, mais un processus est enclenché", observe pour sa part l'écologiste Noël Mamère dans une tribune sur Rue 89. "On assiste à la naissance de familles recomposées. Les divorces n’ont pas encore été prononcés, mais la cohabitation sous un même toit est devenue difficile. Il faut donc que la décomposition aille jusqu’au bout. Le moment approche."

Sans aller jusque là, la prochaine université d'été du PS, fin août à La Rochelle, sera en tout cas l'occasion pour les frondeurs de se compter auprès des militants – il y ont réservé une salle. Si le retour du terrain est positif, pourquoi ne pas présenter une motion au prochain congrès du PS, qui doit se tenir en 2015 ? Les meneurs de la fronde disent ne pas en être là, mais les jeux sont ouverts.

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