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Pourquoi Emmanuel Macron reste intouchable, malgré ses transgressions

Le ministre de l'Economie a clairement pris ses distances avec l'exécutif concernant l'extension de la déchéance de la nationalité. Une transgression de plus pour ce protégé de François Hollande.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Manuel Valls et Emmanuel Macron, lors d'une conférence de presse, à Paris, le 8 février 2016.  (PATRICK KOVARIK / AFP)

Guerre de tranchées, bataille rangée, rivalité notoire... Entre Emmanuel Macron et Manuel Valls, les accrocs sont légions. Dernier en date, mardi 9 février. Alors que le Premier ministre défend à l'Assemblée l'extension de la déchéance de la nationalité, son ministre de l'Economie prend ses distances avec cette mesure emblématique du projet de loi constitutionnelle, adopté solennellement mercredi. 

"J'ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place [que ce débat] a pris, parce que je pense qu'on ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale", lâche, mardi, Emmanuel Macron, pendant une conférence organisée par la fondation France-Israël.

Des propos qu'il nuance dès le lendemain. "Mon souhait le plus profond, c'est que cette réforme puisse se faire comme le président de la République a voulu, parce que je suis loyal", déclare le ministre sur i-Télé. Toutefois, il affiche quelques réticences. "Mais, en pleine sincérité avec mes convictions, (...) je pense qu'il ne faut pas donner plus de sens à ce débat qu'il ne doit en avoir."

Après la démission de Christiane Taubira, Emmanuel Macron fait désormais figure de seul électron libre du gouvernement. Pour autant, il ne semble pas menacé par le remaniement imminent. Francetv info vous explique pourquoi. 

Parce qu'il incarne la ligne sociale-libérale de Hollande

Ancien de la banque Rothschild, secrétaire général adjoint de l'Elysée de 2012 à 2014, le ministre de l'Economie est le symbole du virage social-libéral du quinquennat de François Hollande. La loi Macron a d'ailleurs été présentée comme la traduction en actes de ce tournant idéologique. 

Depuis son entrée au gouvernement, Emmanuel Macron multiplie les transgressions vis-à-vis de la gauche socialiste. Retraites, 35 heures, indemnités chômage, travail du dimanche, statut des fonctionnaires... Tous les totems de gauche y passent. De quoi irriter les frondeurs. Mais le ministre représente également un moyen pour François Hollande de séduire un électorat centriste. 

Parce qu'il est populaire

Pendant longtemps, c'est Manuel Valls, lui aussi social-libéral assumé, qui a détenu le monopole de la transgression, du réformisme et d'une certaine liberté de parole à gauche. Mais depuis qu'il est à Matignon, le Premier ministre est rentré dans le rang. Désormais, c'est Emmanuel Macron qui ose. Et cela plaît. Le ministre de l'Economie se classe juste derrière Alain Juppé, avec 53% d'opinions positives, dans le dernier sondage Odoxa pour Le Parisien, publié le 17 janvier.

Les Français lui reconnaissent des qualités de courage et de compétence. Il incarne également le concept de renouveau.

Frédéric Dabi, directeur de l'Ifop

20 Minutes

Le sondeur soulignait aussi la popularité transpartisane du ministre : "Elle s’assoit à la fois sur les sympathisants socialistes et Les Républicains, comme c’est le cas chez Manuel Valls ou Alain Juppé."

Conséquence : la rivalité entre le Premier ministre et son ministre de l'Economie est exacerbée. Manuel Valls ne perd jamais une occasion de le recadrer. Quand Emmanuel Macron s'en prend aux 35 heures, le chef du gouvernement répond vertement : "Les vrais sujets sont l'emploi et la croissance. Les petites phrases font mal à la vie publique." Lorsqu'on lui fait remarquer l'insolente popularité de son ministre, il ironise : "Moi aussi j'ai incarné le renouvellement, le changement... Vous savez, ça passe vite !" "Sur les plateaux télé, le professeur corrige son élève avec le sourire, mais hors caméra, c'est la colère froide", explique France 2.

Terrorisme, déchéance de nationalité... Profitant de sa liberté d'expression et de sa popularité, Emmanuel Macron s'aventure donc hors de son périmètre ministériel. "Il est objectivement exaspérant. Il va sur tous les sujets et se pose en Premier ministre alternatif. C’est vrai que c’est pénible", confiait, en janvier, une ministre au Monde (article abonnés). 

Parce qu'il ne franchit jamais la ligne rouge

Mais si le ministre transgresse, il n'est pas pour autant imprudent. Il ne franchit pas la ligne rouge. "Il a une liberté et il a le droit de réfléchir, explique à francetv info le député PS Christophe Caresche, proche de Manuel Valls, après la déclaration d'Emmanuel Macron sur la déchéance de nationalité. Ce n'est pas un énième psychodrame. Comme l'a rappelé Manuel Valls, Emmanuel Macron est solidaire du gouvernement." 

Si le ministre de l'Economie a "ringardisé" son Premier ministre, il n'a pas encore le poids politique pour s'imposer face à lui. Le conflit qui oppose les taxis aux VTC en est la dernière illustration. Alors qu'Emmanuel Macron appelait à la levée des barrages des taxis, les jugeant "inacceptables", Manuel Valls a repris le dossier en main, recevant les représentants de la profession à Matignon pour mettre fin au conflit.

Chez les VTC, on y voit une défaite d'Emmanuel Macron sur ce dossier emblématique. Autre exemple, la loi Macron 2, qui ne verra pas le jour. Les mesures poussées par le ministre feront l’objet d’amendements dans d’autres textes défendus par d'autres ministres. Preuve que, Manuel Valls, de quinze ans son ainé, conserve, pour le moment, le dernier mot. 

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