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"Revenge porn", "doxing", "kompromat"... Comprendre ces expressions utilisées dans l'affaire Griveaux

Ces termes ont été largement utilisés ces derniers jours, sur les réseaux sociaux et dans les médias, pour qualifier la diffusion de vidéos privées à caractère sexuel attribuées à Benjamin Griveaux. Que signifient-ils et à quoi renvoient-ils ? Décryptage. 

Article rédigé par franceinfo - Emilie Gautreau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le "revenge porn" ou "pornodivulgation" est un délit sanctionné par le code pénal. Photo d'illustration. (FRANTZ BOUTON / MAXPPP)

Après la diffusion de vidéos privées à caractère sexuel qui lui étaient attribuées, Benjamin Griveaux, le candidat de La République en marche à la mairie de Paris, a annoncé, vendredi 14 février, qu'il se retirait de la campagne des élections municipales. Depuis, différents termes - ne renvoyant pas tout à fait aux mêmes procédés - ont été utilisés pour qualifier ou dénoncer la façon dont l'ancien candidat a été ciblé.

Le "revenge porn" ou "pornodivulgation", un délit sanctionné par le code pénal

La "pornodivulgation", apparue avec la montée en puissance des réseaux sociaux, consiste à mettre en ligne des photos, vidéos, ou autres types de contenus à caractère sexuel sans l’autorisation de la ou des personne(s) concernée(s).

Ce type de procédé s'est généralisé lors de situations conflictuelles entre personnes ayant eu, par le passé, des relations intimes, d'où la notion de "vengeance" dans l'expression anglaise "revenge porn". Cette pratique est parfois précédée ou accompagnée de chantage ou de menaces. Depuis 2016, et l'adoption de la loi "pour une République numérique", cette pratique est passible de deux ans de prison et 60 000 euros d'amende (article 226-2-1 du Code pénal). Les personnes qui relaient et "portent à la connaissance du public ou de tiers" ces images ou vidéos sont passibles des mêmes peines.

Au total, 2 839 plaintes ont, en 2019, été déposées pour "atteintes à la vie privée par diffusion d’image à caractère sexuel" (contre 2 564 en 2018).

Le "doxing" ou "doxxing", une pratique plus large, potentiellement passible de poursuites

Le "doxing" consiste à rechercher, collecter puis diffuser - notamment via les réseaux sociaux - des informations sur l'identité et la vie privée d'une personne (ou d'une organisation), sans son autorisation, dans le but de lui nuire. Il peut s'agir de son identité, de son adresse, de son numéro de téléphone, de ses mots de passe, ou d'autres informations personnelles.

Les motivations de ce qui peut s'apparenter à une forme de harcèlement en ligne peuvent être variées : volonté militante de cibler des personnes ou entreprises dont on entend dénoncer les pratiques, volonté de vengeance, d'humiliation, de chantage...

Selon les méthodes utilisées et leurs conséquences, le doxing peut donner lieu à des plaintes et des sanctions pour "atteinte à la vie privée", ou "collecte, traitement et divulgation de données personnelles sans le consentement de la personne visée".

Le "kompromat", une technique russe de déstabilisation politique, utilisée à l'origine durant la guerre froide

Le "kompromat" désigne le fait de monter des dossiers et diffuser des données compromettantes ou à charge contre une personne - qu'elles soient réelles ou inventées - de façon à la déstabiliser, la mettre sous pression, la discréditer ou la contraindre à collaborer. Cela peut passer, entre autres, par la diffusion de vidéos à caractère sexuel, tournées en caméra cachée, utilisées pour entacher la réputation d'opposants politiques.

Cette technique, notamment utilisée par les services du KGB durant la guerre froide, a ces dernières années aussi été utilisée dans la Russie de Vladimir Poutine, ainsi que l'avait montré une enquête d'Envoyé spécial en novembre 2017.

Dans l'affaire de la diffusion des vidéos à caractère sexuel attribuées à Benjamin Griveaux, la responsabilité de la mise en ligne des vidéos a été revendiquée par l'artiste russe contestataire Piotr Pavlenski.

Sur franceinfo, Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef à Philosophie Magazine, qui a rencontré Piotr Pavlenski en 2016 et 2017, estime qu'alors qu'"il y a quelques années, [l'artiste] dénonçait les pratiques du FSB, les services secrets russes, aujourd’hui il utilise leurs pratiques, c’est-à-dire la fabrique d'un Kompromat, un matériau compromettant". Le journaliste ajoute avoir "l’impression que Piotr Pavlenski a totalement changé et qu’il fait aujourd’hui, contre un homme politique, pour le faire chuter, ce qu’il reprochait à la Russie de Poutine il y a quelques années".

Les différents termes utilisés dans l'affaire Griveaux renvoient donc à différentes interprétations de ce qu'ont pu être les motivations du ou des acteur(s) de l'affaire (vengeance intime, piège politique, coup monté...) Seule l'issue de l'enquête permettra de déterminer quels sont, en l'occurrence, les termes les plus adéquats.

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