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Etats-Unis : on vous explique les soupçons d'évasion fiscale qui pèsent sur Donald Trump

Dans une longue enquête, le "New York Times" explique comment le président milliardaire s'est enrichi grâce à la fortune de son père et à l'évasion fiscale.

Article rédigé par franceinfo
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Le président des Etats-Unis, Donald Trump, s'apprête à monter à bord d'Air Force One, dans le Maryland, le 2 octobre 2018. (MANDEL NGAN / AFP)

Derrière l'image de self-made-man, un héritage conséquent, transmis dans des conditions suspectes. Le New York Times publie, mardi 2 octobre, une enquête de huit pages, selon laquelle Donald Trump a reçu au moins 413 millions de dollars actuels (357 millions d'euros) de son père, notamment grâce à des manœuvres d'évasion fiscale, pendant plusieurs années. Après ces révélations, le service des impôts de l'Etat de New York a ouvert une enquête. On vous explique ces accusations.

Que révèle l'enquête sur la fortune de Trump ?

Le président américain a souvent clamé s'être fait tout seul et n'avoir reçu qu'un "petit prêt d'un million de dollars" de son père Fred, magnat de l'immobilier. Mais "l'enquête montre clairement qu'à chaque étape de la vie de Trump, ses finances étaient imbriquées avec, et dépendantes de la fortune de son père", écrit le New York Times

"Fred Trump était impitoyable et créatif quand il s'agissait de trouver des moyens de transmettre sa richesse à ses enfants", commente le quotidien, qui liste nombre d'astuces : du "chèque de 10 000 dollars pour Noël", aux "prêts successifs, pour la plupart jamais remboursés". Pour un montant d'"au moins 140 millions de dollars actuels". Et Fred Trump a commencé très tôt à enrichir ses quatre enfants, dont le futur président des Etats-Unis.

A 3 ans, M. Trump recevait 200 000 dollars par an, versés par l'empire de son père. Il était millionnaire à 8 ans. A 17 ans, son père lui a offert une partie de la propriété d'un immeuble de 52 appartements. A partir de son diplôme universitaire, il recevait l'équivalent d'un million de dollars par an de son père. Les sommes ont augmenté avec les années, jusqu'à 5 millions annuels quand il a eu la quarantaine, puis la cinquantaine.

"The New York Times"

Pourquoi parle-t-on d'évasion fiscale ?

Selon le New York Times, une partie de cet argent provient directement de manœuvres fiscales. Mais pas besoin d'aller se cacher au Panama pour échapper au fisc. Donald Trump, ainsi que ses frères et sœurs, ont par exemple monté, en 1992, une société écran pour dissimuler des dons conséquents. Cette société, baptisée All County Building Supply & Maintenance, avait pour fonction officielle d'acheter des produits divers pour les immeubles de Fred Trump, "des chaudières aux produits d'entretien". "All County n'était une société que sur le papier", résume le journal dans un second article. En réalité, "c'était un moyen de siphonner du cash à Fred Trump, en gonflant des factures déjà réglées par ses employés". Ces millions supplémentaires, "des cadeaux non imposés", tombaient ensuite dans les poches des enfants Trump.

En plus de cette société écran, Donald Trump a, toujours selon l'enquête du New York Times, aidé son père à profiter de déductions fiscales indues et à sous-évaluer son patrimoine immobilier, afin de réduire le montant de ses impôts. En 1991, par exemple, Fred Trump a vendu ses parts dans le Trump Palace, à Manhattan, à son fils. Elles étaient estimées à plus de 15 millions de dollars, mais Donald Trump les a obtenues pour seulement 10 000 dollars, permettant à son père d'économiser plusieurs millions en taxes. Les enfants Trump auraient reçu au total "une somme bien supérieure à un milliard de dollars" de leurs parents. Au final, ce qui aurait dû générer 550 millions de dollars d'impôts, en raison d'un taux d'imposition de 55% sur les héritages et les dons en vigueur à l'époque, n'a donné lieu qu'à 52,2 millions de dollars d'impôts, affirme le journal.

"La limite entre l'optimisation fiscale légale et l'évasion fiscale illégale est souvent trouble", admet le New York Times. Mais des spécialistes de la fiscalité ont confirmé au journal que, selon les documents qu'il cite, "les Trump semblent avoir fait plus qu'exploiter des failles juridiques".

Sur quoi le "New York Times" fonde-t-il ses accusations ?

Contrairement à ses prédécesseurs, Donald Trump a toujours refusé de rendre publiques ses déclarations d'impôts. Mais le New York Times affirme avoir pu consulter "plus de 100 000 pages de documents décrivant le fonctionnement de l'empire Trump", en plus d'avoir recueilli les témoignages d'anciens employés et conseillers de Fred Trump.

Parmi les documents consultés, dont certains sont reproduits en ligne et dans l'édition papier du journal, se trouvent des archives publiques (actes notariés, certificats d'authenticité, documents de justice…) mais aussi des "dizaines de milliers de pages de rapports confidentiels" (audits financiers, factures, copies de chèques…"). Le New York Times a pu par exemple accéder à "plus de 200 déclarations d'impôts de Fred Trump, ses sociétés, ses intérêts divers".

Que répond l'entourage de Donald Trump ?

"Il est triste d'assister aux attaques fallacieuses d'un New York Times défaillant", a réagi la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders. "Il y a plusieurs décennies, le fisc a examiné et approuvé ces transactions", a-t-elle ajouté. Un avocat de Donald Trump, Charles Harder, cité par le quotidien américain, a également qualifié de "100% fausses et hautement diffamatoires" les allégations de fraude et d'évasion fiscale. "Il n'y a pas eu de fraude ou d'évasion fiscale par qui que ce soit", a-t-il dit. L'avocat a assuré que Donald Trump lui-même "n'avait quasiment pas été impliqué dans ces histoires", qui avaient été gérées par d'autres membres de sa famille, aidés par des professionnels.

Robert Trump, frère du président des Etats-Unis, a également publié une déclaration, au nom de sa famille, dans laquelle il affirme que "toutes les taxes dues ont été payées". "Notre famille n'a pas d'autre commentaire à faire sur ces affaires qui remontent à plus de vingt ans", poursuit-il, avant d'appeler à "respecter la vie privée de nos parents décédés"

Si l'administration fiscale américaine a refusé de commenter les informations publiées par le quotidien, le service des impôts de l'Etat de New York "passe en revue les accusations dans l'article du New York Times et explore avec détermination toutes les pistes d'enquête".

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