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Glyphosate, étiquetage des aliments, caméras dans les abattoirs... Comment la loi agriculture et alimentation a été édulcorée

Les députés ont rejeté plusieurs propositions phares de ce projet de loi dans la nuit du lundi 28 mai.

Article rédigé par franceinfo
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Stéphane Travert, 22 mai 2018 à l'Assemblée nationale. (GERARD JULIEN / AFP)

"Le lobby de la malbouffe et de la souffrance animale a dicté la loi." Voilà comment le député européen écologiste Yannick Jadot a qualifié le refus de l'Assemblée nationale, dans la nuit du lundi 28 au mardi 29 mai, d'inscrire dans la loi l'interdiction du glyphosate d'ici trois ans. Outre l'abandon de cet insecticide, d'autres propositions emblématiques – qui ont emergé au cours du débat parlementaire – sont passées à la trappe.

La fin du glyphosate

La proposition. Le glyphosate, herbicide le plus utilisé en France, est jugé cancérogène "probable" pour l'homme par l'Organisation mondiale de la santé. Des amendements, notamment de la commission du développement durable de l'Assemblée et de l'ex-ministre PS Delphine Batho, voulaient mettre un terme à son utilisation en 2021 (comme l'avait promis Emmanuel Macron), mais ils ont été massivement rejetés. Même sort pour un amendement prévoyant des dérogations possibles jusqu'en 2023 porté par Matthieu Orphelin (LREM), proche de Nicolas Hulot.

La réponse de la majorité. L'alternative au glyphosate n'existe pas encore. Alors en attendant de la trouver, "'inscrire [cette interdiction] dans la loi, c'est relancer des tensions", a réagi le rapporteur Jean-Baptiste Moreau (LREM), lui-même agriculteur. La promesse d'Emmanuel Macron n'est pas abandonnée pour autant, assure l'exécutif : la sortie de la France du glyphosate d'ici 2021 "sera fait en partenariat avec les industriels", même si ce n'est pas "inscrit dans la loi", a promis le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, sur franceinfo.

L'étiquetage Nutri-Score obligatoire

La proposition. Plusieurs amendements, défendus notamment par Olivier Véran (LREM, ex-PS) et d'autres "marcheurs", ainsi que des élus Modem et de La France insoumise, voulait imposer l'étiquetage Nutri-Score. Cette vignette estime (à l'aide d'une échelle de couleurs et de lettres allant de A à E) la valeur nutritionnelle d'un produit transformé (céréales, pizzas, biscuits, desserts lactés, plats cuisinés, conserves...). Il est testé sur quelques produits depuis novembre 2017. Le choix de ce logo, qui vise aussi à inciter les industriels à améliorer la composition de leurs produits, a pourtant été fait par le gouvernement et validé par l'Union européenne sur la base de travaux scientifiques. Mais il peine à s'imposer, notamment car il est facultatif.

La réponse de la majorité. Le ministre de l'Agriculture a invoqué le "risque" européen que cela ferait peser sur l'expérimentation en cours concernant cet étiquetage, "une belle démarche" mais basée sur le volontariat. "Par un effet boomerang, nous pourrions faire subir un effet funeste à l’ensemble du Nutri-Score, qui pourrait être retoqué à la suite de contentieux européens car nous serions allés trop vite et trop loin", assure le rapporteur de la Commission Jean-Baptiste Moreau (LREM).

L'interdiction des pubs pour des aliments trop gras, trop sucrés ou trop salés à destination des enfants

La proposition. Lors de l'examen du projet de loi agriculture et alimentation, des députés LREM, socialistes, de La France insoumise ou encore LR ont cherché à interdire ou limiter les messages publicitaires en faveur des "produits alimentaires et boissons trop riches en sucre, sel ou matières grasses et ayant pour cible les enfants de moins de 16 ans" sur "tout support de communication radiophonique, audiovisuel et électronique".

Défendant un amendement en ce sens, Anne-Laurence Petel (LREM) avait souligné qu'"en France, un enfant sur six est en surpoids", pointant le "coût pour la société" de l'obésité. "Les industriels usent à l'envi des codes de l'enfance" pour "influencer" les enfants, a-t-elle affirmé, évoquant les "nounours" ou autres "bonbons transformés en personnages de BD". Là encore, la mesure a été retoquée.

La réponse de la majorité. Ce n'est pas à l'Assemblée de se prononcer sur des publicités diffusées à la radio ou à la télé, répond en substance le ministre de l'Agriculture. Stéphane Travert a souligné "le rôle de régulateur du CSA" qui peut "travailler sur les contenus", "sans que nous ayons besoin d'inscrire des choses par trop contraignantes dans la loi"Cendra Motin, élue LREM a insisté sur "la responsabilisation des parents" plutôt que de légiférer. Bruno Millienne, Modem a évoqué le risque de "mettre des secteurs en danger" avec une "dérégulation de la publicité" sans concertation européenne.

Les caméras de surveillance obligatoires dans les abattoirs

La proposition. Un amendement d'Olivier Falorni (divers-gauche) prévoyait une obligation de la vidéosurveillance dans les abattoirs. Le député avait présidé en 2016 la commission d'enquête parlementaire sur les abattoirs, créée après les images chocs d'abattoirs diffusées par l'association L214, montrant des bêtes mal étourdies ou accrochées vivantes notamment. Finalement, l'Assemblée a voté "le principe d'une expérimentation dans des abattoirs volontaires". Facultatif donc.

La réponse de la majorité. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, a donné un avis de "sagesse positif" à la mesure expérimentale, qu'il a présentée comme un "compromis" : "Je préfère que les inspecteurs vétérinaires accompagnent et (le cas échéant) sanctionnent plutôt que les installer derrière des écrans vidéo."

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