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Enquête France 2 Des centaines de tonnes de déchets belges déversés à la frontière française

Publié Mis à jour
Durée de la vidéo : 4 min
L'oeil du 20 heures - 24 juin 2020
L'oeil du 20 heures - 24 juin 2020 L'oeil du 20 heures - 24 juin 2020
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
France 2

Des décharges sauvages polluent des hectares de nature dans le Grand Est, non loin de la frontière belge. Or justement, une partie de ces déchets provient de la Belgique. Enquête de "l'œil du 20 heures" sur un trafic illégal très organisé.

C’était juste avant le confinement. Dans la campagne en Meurthe-et-Moselle, des centaines de tonnes de déchets ont été déversées illégalement. "L'œil du 20 heures" a mené l’enquête et découvert un trafic international qui pollue la Lorraine. 

A Haucourt-Moulaine, au début du printemps, nous avions rencontré l’ancien maire (PS) Jacques Marteau. Devant les montagnes de déchets déversés dans sa commune, il se disait inquiet du coût du nettoyage. Pour lui, pas de doutes, “c’est une mafia qui gère ce genre de choses”. 

Au total, 500 tonnes de gravats mélangés à des déchets ménagers ont été déversés à Haucourt Moulaine. Et sur des terrains municipaux, 200 tonnes ont été déchargées illégalement à Rédange, 80 tonnes à Hayange. En à peine quelques semaines, près d’une dizaine de villages lorrains ont été souillés. Une enquête est ouverte.

A Rédange en Moselle, les riverains ont mené la leur, et ont découvert des poubelles provenant d’une même zone en Belgique. “Tout ce qu’on a retrouvé provient du coin d’Anvers, de Brecht”, pointe Jessica Guiot d’Autruche, première à avoir repéré les tas d’ordures s’accumuler à quelques 100 mètres de chez elle.

108 euros la tonne

Elle et ses voisins ont réussi à prendre des photos de plusiers camions immatriculés en Belgique, du transporteur Jost. Au téléphone, ce dernier reconnaît avoir déversé une vingtaine de remorques, soit près de 200 tonnes aux emplacements indiqués par son client, mais affirme avoir été trompé : “Nous nous considérons comme victimes au même titre que les communes qui ont été touchées," déclare la chargée de communication du groupe Véronique Hustin. "Nous avons déposé une plainte au tribunal des entreprises de Bruxelles.

Toutes ces ordures viennent d’une des plus grandes déchetteries de Belgique. Le gérant pensait avoir trouvé en France une filière pour se débarrasser des déchets qu’il ne peut traiter sur place. Lui aussi se dit victime : “Nous avons payé 108 euros la tonne pour nous débarraser de ces déchets. Ils nous ont dit qu’ils comptaient en recycler une partie et que le reste irait dans différents endroits en France.

“C’est une usurpation d’identité”

La déchetterie pensait envoyer les cargaisons dans un centre de tri en France. Chez Eco Déchets, comme indiqué sur les bons de livraison que nous avons retrouvés. Mais au siège d’Eco-déchets à Lyon, le directeur de l’entreprise tombe des nues.

C’est un faux !" déclare-t-il en voyant un des bons de livraison que nous lui présentons. "Ca ressembe à notre logo mais voyez-vous, sur le tampon il manque des chiffres au numéro SIRET”, ajoute-t-il, incrédule. “C’est inadmissible, c’est inacceptable, je vais porter plainte parce que c’est une usurpation d’identité.

Mais il manque un personnage important dans ce négoce : l’intermédiaire qui a mis en relation tous ces acteurs. Payé par la déchetterie pour récupérer les déchets, il les confiait à des transporteurs censés les déposer dans des centres de tri en France. Les polices françaises et belges enquêtent sur lui. 

Nous l’avons retrouvé dans une vidéo Youtube où il interprète “Blues en mineur” du fameux guitariste Django Reinhardt. Pas tout à fait son coeur de métier, en somme. Entre deux airs de jazz manouche, Johnny Demeter a accepté de nous rencontrer. Il dément avoir falsifié les bons de livraison, et se dit lui aussi victime d’un autre intermédiaire dont il refuse de révéler l’identité.  

Il y a eu quelqu’un sur place, je donnerai les noms à la justice,” annonce-t-il. Johnny Demeter pouvait-il ignorer que ces chargements étaient déversés de manière sauvage ? “Oui, jusqu’au mois dernier quand la police municipale me contacte en me disant que les chauffeurs ont fait des dépôts sauvages,” répond-il. Pour autant, ce dernier reconnaît que le transport de déchets belges vers la France lui a rapporté entre “200 et 220 000 euros”. 

Le parquet de Lille a ouvert une enquête pour escroquerie en bande organisée et association de malfaiteurs. Une autre enquête en Belgique est également en cours. En attendant, ces déchets belges polluent toujours la Lorraine.

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