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Hun Sen, autocrate cambodgien sans état d'âme

Ancien commandant khmer rouge arrivé au pouvoir en 1985, le Premier ministre cambodgien dirige son pays en ne montrant aucun intérêt pour les droits de l’Homme. Corruption, impunité totale des responsables de meurtres… le régime ne tient que par le soutien de pays ou d’institutions qui ferment les yeux sur ses exactions.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Hun Sen, Premier ministre cambodgien, vient de voter dans la province de Kandal, le 3 juin 2012. (AFP/TANG CHHIN SOTHY)

Hun Sen, Premier ministre du Cambodge, âgé de 60 ans, ferme les yeux sur les assassinats de quelque 300 personnes commis par les forces de l’ordre ou à la demande de hauts responsables du pays. Une longue liste qui comprend, entre autres, des opposants politiques, des journalistes... Jamais aucune enquête sérieuse n’a été menée sur ces affaires, ni aucune condamnation prononcée, selon Human Right Watch. Les citoyens exerçant des activités qui déplaisent au régime sont, eux, soumis à son arbitraire. Ainsi, Mme Beehine, une Franco-Cambodgienne de 70 ans, propriétaire d’une radio, a été condamnée à 20 ans de prison pour activités subversives.
 
La conquête du pouvoir
L’homme est décrit comme particulièrement colérique. Enfant, il suit la ligne de son père, un bonze qui s’est engagé dans la lutte contre les forces coloniales françaises. Bon élève, il aurait rejoint les rangs des militants communistes dès 1965, tout en continuant ses études. Il s’engage ensuite à fond dans la guérilla menée par les Khmers rouges contre le régime de Lon Nol (1970-1975). Il perd un oeil en 1985 dans l’assaut final de la guérilla communiste contre Phnom Penh.

Hun Sen s'emporte contre le représentant de l'ONU pour les droits de l'Homme, Yash Ghai, qui vient de dénoncer des exactions

Le 12 décembre 2007 (faits: le 25 avril 2007)
 
A 25 ans, il est nommé commandant d'un régiment à l’est du pays. Curieusement, aucun témoignage ne l’a mis en cause pour des violences durant l’époque khmère rouge, période particulièrement noire de l’histoire du Cambodge. En 1977, il passe au Vietnam pour échapper aux purges. Le 30 décembre 1978, il se trouve dans les fourgons de l’armée vietnamienne qui chasse les Khmers rouges du pouvoir. Il est nommé ministre des Affaires étrangères du nouveau gouvernement mis en place par Hanoï. En 1985, il devient Premier ministre. Dès lors, il ne quittera plus le pouvoir, s’alliant d’abord avec le roi Sihanouk, puis combattant les Khmers rouges encore actifs, avant de les faire rentrer dans la coalition au pouvoir.
 
Un pays en coupe réglée
L’homme, qui ne peut rester longtemps loin de son paquet de cigarettes 555, n’est pas de ceux qui se laissent contrarier dans leurs objectifs. En 1993, alors que son parti a perdu les élections organisées par l’ONU, il réussit à être nommé "second Premier ministre" avant de réussir un coup d’Etat sanglant contre le Front national uni national pour un Cambodge indépendant (1997). Désormais, Hun Sen, désigné par l’ex-Premier ministre de Singapour, Lee Kuan Yew, comme un être «parfaitement impitoyable et implacable, dénué de tout sens humain », contrôle tous les rouages de l’administration. Il dispose notamment d’une milice privée de 4.000 hommes et de l’implantation de son Parti du peuple cambodgien dans le moindre village et dans toutes les instances du pays. Faussement détaché, il regarde les élections législatives depuis son palais de Takhmau sans y prendre part, laissant toute latitude à la machine électorale du parti.
 
Au plan politique, il n’a jamais appliqué les accords de Paris de 1991, qui promettaient la réconciliation et le retour du multipartisme. Et en 2009, s’il accepte que des chambres mixtes avec des magistrats cambodgiens et étrangers jugent des Khmers rouges, il fustige en des termes très violents les juges étrangers qui désirent interroger des ministres de son gouvernement. 
 
Accaparement des richesses du pays
Au plan économique, la survie du système repose sur un réseau à coloration « mafieuse », estime Lao Mong Hay, chercheur à la Commission asiatique des droits de l’Homme. Les membres de sa famille sont mariés avec des descendants de toute la classe dirigeante. Les hommes d’affaires du régime, eux, ont facilement accès aux ressources naturelles du pays, aux dépens des paysans, taillables et corvéables à merci ─ un tiers de la population vivait, en 2008, avec moins de 40 centimes d’euros par jour.

Supporters d'une radio privée manifestant à Phnom Penh, le 14 décembre 2012 (AFP/TANG CHHIN SOTHY)

 L’homme fait preuve d’humour au sujet de son avenir politique. Il se dit prêt à se consacrer à sa famille, s’il perd les élections. Une autre fois, il déclare qu’il ne quittera pas le pouvoir avant d’avoir atteint 90 ans.  

Un jeu habile entre les investisseurs
Un pouvoir qu’il justifie en affichant avec constance les efforts du gouvernement pour le retour à la paix et la croissance économique. Pendant une dizaine d’années, jusqu’à 2007, le pays a connu une forte croissance (8% en moyenne), mais a été récemment affecté par la crise économique. La survie du régime est assurée en bonne partie par les investissements étrangers et l’aide internationale des ONG, foisonnantes dans le pays.

Habile tacticien, Hun Sen sait jouer des rivalités entre l’Occident et les donateurs asiatiques. Dans les rares cas où les bailleurs de fond (qui ont déboursé un milliard de dollars d’aides en 2009) se risquent à émettre des critiques au sujet des droits de l’Homme, Hun Sen, glaçant, nie la réalité, allant jusqu’à traiter ses détracteurs «d’animaux». Et il fait comprendre qu’il peut résister aux pressions grâce au soutien de Pékin.
 
Celui qui croit en un avenir meilleur
Un homme entend résister au despote à sang-froid. Sam Rainsy, un ancien ministre, dont le Parti Sam Rainsy (26 sièges), principale force d’opposition, a fait alliance avec le Parti des droits de l’Homme. Mais condamné à 14 ans de prison et privé de son immunité parlementaire, il est contraint de résider en France. Il est déterminé à rentrer au Cambodge pour les législatives de 2013. Un pari audacieux.        

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