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Tsvangirai-Mugabe, les ennemis intimes du Zimbabwe

Au pouvoir depuis 1980, Robert Mugabe a mis en place au fil du temps un régime autoritaire au Zimbabwe. En 2008, son principal opposant Morgan Tsvangirai a dû se retirer avant le second tour de la présidentielle pour éviter une guerre civile. Depuis trois ans, les deux hommes cohabitent tant bien que mal au sommet de l’Etat.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai, le 24 juillet 2009 à Harare, lors d'une cérémonie de réconciliation... (AFP PHOTO / DESMOND KWANDE)

A 88 ans, Mugabe, l'opposant au régime de Ian Smith et de la minorité blanche, dirige l'ancienne colonie britannique. Il a d'abord été Premier ministre jusqu’en 1987, avant d'être élu président de la République. L'actuel dirigeant et son parti, le Zanu Patriotic Front (Zanu-PF), sèment depuis lors la terreur parmi l'opposition et une partie de la population.

Après le retrait de Morgan Tsvangirai de la course à la dernière élection présidentielle, le vieux chef d'Etat a dû accepter, en février 2009 sous la pression de la communauté internationale, de partager le pouvoir avec lui.

A 60 ans, l'ancien dirigeant syndical assume tant bien que mal son rôle de Premier ministre dans ce fragile gouvernement d'union nationale. Un «mariage difficile» de l’aveu même des deux hommes.

D'hypothétiques élections
Cette association bancale avait pour but avoué de redresser l’économie et de mettre sur pied des élections démocratiques pour départager les adversaires. Pour l’heure, aucun accord sur la date et les conditions de scrutin n’a été trouvé.

Si Robert Mugabe répète à l’envi que la fixation de la date des élections est l'une de ses prérogatives, Morgan Tsvangirai refuse d'organiser quoi que ce soit sans une nouvelle Constitution, condition figurant dans l'accord de partage du pouvoir.

Le Zanu-PF, dont les cadres craignent l’explosion du parti s'il perd son chef, a investi en décembre 2011 son vieux leader pour un énième mandat. Il faut dire que les supputations sur son état de santé défaillant se multiplient : il souffrirait d'un cancer de la prostate métastasé.

 

Le concept de l'indigénisation expliqué par Robert Mugabe

 

Une politique d'indigénisation à la sauce Mugabe
Présentée comme un acte de décolonisation économique par le camp Mugabe, la loi du 1er mars 2010 contraint les entreprises étrangères à transférer 51% de leur capital à des intérêts locaux noirs. Pour Morgan Tsvangirai, elle ne peut que décourager, au même titre que les violences politiques ou l’instabilité, les investissements étrangers.

Ce nouveau motif de crispation entre les deux hommes survient douze ans après la réforme agraire qui a permis l'expropriation de la quasi totalité des 4.500 fermes appartenant à des Blancs pour les allouer le plus souvent à des dirigeants et des membres du Zanu-PF. A titre personnel, le président Mugabe et sa famille en possèderaient 39.

Selon des estimations, la politique de Mugabe dans ce domaine aurait coûté 8,4 milliards d’euros au pays alors que seul 1% des personnes qui vivaient sur les exploitations ont profité de la réforme. Le grenier à blé de l'Afrique dépend aujourd'hui de l'aide alimentaire internationale.

Morgan Tsvangirai ne veut rien lâcher
Le Premier ministre, qui ne peut que constater les attaques à la liberté de la presse ou aux respect des droits de l’Homme, doit faire face aux coups bas de Mugabe qui, s'il est diminué physiquement, verrouille tous les leviers du pouvoir.

Les partisans du Mouvement pour un changement démocratique de Tsvangirai sont les premiers à en faire les frais. Arrestations, maltraitances, emprisonnements ou assassinats sont leurs lots quotidiens.

Pour le Premier ministre, qui fut un temps pressenti pour le prix Nobel de la paix, le gouvernement de coalition est pourtant le «meilleur arrangement pour atterrir en douceur».

 

Coupures d'électricité, frein à la croissance du Zimbabwe

 

Une situation quasi ingérable et pourtant…
... Ce pouvoir bicéphale a remis le pays sur la voie de la croissance, après une longue descente aux enfers dans les années 2000, caractérisée par une hyperinflation. Au plus fort de la crise, en 2008, elle atteignait des niveaux hallucinants, jusqu'à plusieurs milliards pour cent.

Aujourd’hui, si la tendance est au redressement, la pauvreté, les pénuries de nourriture, le chômage à plus de 80%, la corruption et le non-respect des droits de l’Homme restent des fléaux qui minent ce pays de 12 millions d’âmes. Il faudra des milliards de dollars pour remettre à flot les secteurs énergétique et routier ou pour rééquiper l'industrie rendue moribonde par la politique menée depuis trente ans par Robert Mugabe.

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