Madagascar : pour le photographe Pierrot Men, "l'inattendu au moment de prendre une photo est toujours un cadeau"

Après 40 ans de pratique photographique, Pierrot Men s'émerveille comme au premier jour des paysages et des rencontres que lui offre son île natale. Son appareil initial, un Kodak 6x9, lui vient de son père, d'origine chinoise. 

En septembre 2019, Pierrot Men publie aux éditions Hosti un album consacré aux enfants malgaches, Zazakely (96 pages, 30 euros), dont les recettes sont en grande partie consacrées à l'éducation des jeunes de Madagascar. 

A ses débuts, le photographe se voit peintre et se sert de planches-contacts comme canevas pour ses toiles. Mais la photographie prend le pas sur ses autres projets et devient comme une seconde nature. Aucun message explicite dans ses clichés, juste le partage d'une émotion. A constater l'effet sur les spectateurs, il se demande simplement : "Je suis un magicien ou quoi ?" Et ça l'encourage, dit-il.

Pour franceinfo Afrique, Pierrot Men commente à la première personne onze de ses photos exposées chez Argentic, 43 rue Daubenton, Paris 5, jusqu'au 30 novembre 2019.

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Saint-Augustin (Sud-Ouest) - 1997. "Il fait bien chaud cet après-midi-là. Les enfants jouent au surf au bord de la mer avec des morceaux de bois très légers. Je cours derrière eux pour capter leurs mouvements. L'eau brille dans l'objectif. Il y a une belle ambiance de bonheur." PIERROT MEN
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Morondava - 2017. "La célèbre allée des baobabs attire de nombreux touristes dont beaucoup de Japonais qui ne viennent que pour elle. De loin, je repère les deux jeunes garçons hissés sur une branche. Ils guettent les visiteurs à la recherche des baobabs amoureux, ceux qui s'entrelacent. Les gamins veulent leur servir de guides et se faire un peu de sous. Le temps que je m'approche, un troisième s'est mis dans le champ faisant écho aux deux autres." PIERROT MEN
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Ambohimahasoa - 2011. "Je viens d'Antananarivo par la route, il y a un joli coucher de soleil et je m'arrête pour photographier le village en contrebas, lorsque surgissent trois garçons montés sur des échasses. Des gardiens de zébus qui 'voient les choses en grand', comme ils disent. Ils hésitent à passer devant mon appareil. Je les encourage et je déclenche !". PIERROT MEN
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Plage d'Ifaty - 2009. "L'endroit est très fréquenté. Mais c'est la voile jaune déchirée sur le bleu du ciel qui attire mon regard. Cependant, je me dis qu'il manque un élément à la gauche de mon cadrage. Arrive alors cette femme de profil qui regarde la mer. Je m'apprête à appuyer sur le bouton lorsqu'une fillette s'incruste en beauté. L'inattendu au moment de prendre une photo est toujours un cadeau." PIERROT MEN
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Au bord de la route près d'Antananarivo - 2019. "Je passe souvent à cet endroit, la lumière y est belle le soir. Je me trouve nez à nez avec des enfants qui me prennent pour un touriste. Sur cette île du métissage, être blanc c'est forcément venir de loin. Je leur parle alors en malgache, leur explique que je suis photographe. Ils éclatent de rire d'étonnement."PIERROT MEN
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 Dunes de Sarodrano - 2012. "L'appareil photo fait parfois l'effet d'un aimant. Ici, les gosses accourent vers moi pour poser devant mon objectif. Mais je choisis d'immortaliser le moment d'avant." PIERROT MEN
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Sahambavy - 2009. "C'est un bel endroit près de chez moi où je décide d'emmener un ami photographe. Il y a un lac, une maison aux murs rouges, des ombres et cette petite fille. Mon ami lui montre le portrait qu'il vient de faire d'elle et moi, je photographie sa réaction. Au Pavillon Ledoyen à Paris, cette photo a été vendue aux enchères pour 4800 euros au profit de l'ONG Zazakely Sambatra. Je suis content." L'association Enfants heureux a été créée par Véronique de Bourgies, tuée lors des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Son mari Stéphane a repris le flambeau, et Pierrot Men parraine l'association. PIERROT MEN
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Maroantsetra (Nord) - 2014. "Nous arrivons à cet endroit par la RN5, la 'plus mauvaise route du monde', dit-on là-bas. Je suis accompagné d'une dizaine de photographes que je forme. Nous repérons un bateau à fixer sur la pellicule. Mais on comprend vite qu'on ne veut pas de nous. Le bateau est en train d'être chargé de bois illicite. Nous poursuivons notre chemin et tombons sur cette scène de récréation d'une classe de brousse. Une belle surprise."PIERROT MEN
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Sahakevo - 2012. "Ici, pas de voitures. C'est un endroit très enclavé. J'accompagne une mission de médecins arrivés sur place en hélicoptère. Il y a des dentistes, des chirurgiens. Devant l'hôpital de brousse, les files d'attente sont longues. J'assiste à l'opération de la maman de la fillette que je photographie. Pendant une pause, je viens m'allonger sur la berge d'une rivière. La petite, sa soeur dans les bras, me suit et me demande des nouvelles de sa mère. 'Ne t'en fais pas, elle est sauvée', lui dis-je. Et je prends la photo sans me lever." PIERROT MEN
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Vatomandry - 2013. "J'adore le contre-jour. La mer est juste derrière. Les enfants jouent à tenir en équilibre sur un vieux muret." PIERROT MEN
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Guinée Conakry - 2017. "Parfois, je quitte Mada pour répondre à une commande. En Guinée, je réalise un reportage sur la récolte du sel et sur la gestion de l'eau. Très concentré, je ne vois pas les garçons qui m'interpellent : 'Et nous, on n'existe pas ?'. Là-dessus, ils prennent la pose, ils se donnent à fond. Je ne prends qu'un seul cliché. Il faut saisir l'instant." PIERROT MEN
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