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Récit De l'évasion en hélicoptère à l'arrestation en pyjama : comment les enquêteurs ont fini par rattraper Redoine Faïd

Depuis son évasion en hélicoptère le 1er juillet, jusqu'à son interpellation au petit matin à Creil, retour sur les trois mois dans la nature de Redoine Faïd. 

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le braqueur multi-récidiviste Redoine Faïd lors de son interpellation, le 3 octobre 2018, à Creil (Oise). (EDOUARD DA COSTA / FRANCE 3)

La cavale a pris fin à quatre heures du matin, mercredi 3 octobre. Après 93 jours dans la nature, Redoine Faïd a finalement été arrêté à Creil (Oise), sa ville d'origine. Un important dispositif policier – une soixante de véhicules et 80 policiers des brigades de recherche et d'intervention (BRI) de Creil, Paris, Lille et Versailles, ainsi que de l'Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) – était déployé sur place pour interpeller l'homme le plus recherché de France. Franceinfo vous raconte les trois mois de cette traque ininterrompue.

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L'évasion par les airs

Le 1er juillet est une journée de plus pour Redoine Faïd à la prison de Réau (Seine-et-Marne). L'homme de 46 ans purge sa peine de 25 ans de prison pour un braquage raté en avril 2010, qui a coûté la vie à la policière municipale Aurélie Fouquet. Il reçoit la visite au parloir d'un de ses frères, Rachid. Ce que le personnel pénitentiaire ignore, c'est que le détenu, qui avait demandé à avancer l'heure du rendez-vous en prétextant vouloir regarder un match de football, selon Le Parisien, a préparé son évasion. Au-dessus de la prison résonnent les pales d'un hélicoptère qui se pose dans la cour d'honneur.

L'un des occupants reste avec le pilote et lui demande de rester en vol stationnaire. Pendant ce temps, deux hommes en noir, cagoulés, en sortent, armés de fusils d'assaut de type kalachnikov. Ils découpent une première porte à l'aide d'une meuleuse thermique, puis trois autres. Leur mission est accomplie. Ils parviennent à repartir avec Redoine FaïdL’hélicoptère redécolle à 11h28 mais les malfaiteurs abandonnent un sac avec des fumigènes, du nitrométhane dans une bouteille et un sachet avec un carton imbibé d’hydrocarbure. C'est le point de départ d'une course-poursuite entre les enquêteurs de la direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) et le braqueur multirécidiviste. 

L'hélicoptère prend la direction de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle puis de Gonesse (Val-d'Oise), où il atterrit près d'une route départementale. Dans la foulée de l'évasion en hélicoptère, le commando prend la fuite à bord d'une Renault Megane noire. Elle est retrouvée incendiée sur le parking du centre commercial O'Parinor, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Le fugitif et ses compères changent ensuite de gamme, de marque et de couleur de véhicule puisqu'une Kangoo blanche, identifiée par les caméras de surveillance, leur permet de quitter le parking. La voiture est retrouvée carbonisée au Fay-Saint-Quentin (Oise), un département où a grandi Redoine Faïd.

Un sac retrouvé dans une forêt de l'Oise

Très vite, les enquêteurs pensent que le fugitif a l'intention de rester en région parisienne, là où il a ses attaches, son réseau. Aidé par son cercle proche, l'homme, présenté comme "un individu dangereux", s'organise pour passer sous les radars de la police. Une semaine après l'évasion, un sac appartenant au commando est retrouvé dans une forêt de Verneuil-en-Halatte (Oise), rapporte Le Parisien. Celui-ci a été localisé grâce au récit d'un chasseur, qui dit avoir vu 'trois hommes" enterrer ces effets. 

A l'intérieur ? "Deux fusils d'assaut AK47 et AR15, des munitions, des cagoules, des brassards de police, des talkie-walkies, une découpeuse thermique, une pioche et un tee-shirt identique à celui de Redoine Faïd lors de l'évasion", a détaillé mercredi 3 octobre François Molins, procureur de la République de Paris, lors d'un point-presse. Des empreintes correspondant à celle du fugitif sont retrouvées et les policiers constatent que les téléphones portables de l'entourage du braqueur, mis sur écoute, cessent subitement toute communication après cette découverte. 

Une arrestation qui échoue "à quelques secondes" près

Malgré ces avancées, le mois de juillet s'écoule sans que la police ne parvienne à se rapprocher de Redoine Faïd. Il échappe même de peu aux enquêteurs, le 24. Ce jour-là, dans l'après-midi, un banal contrôle pour une infraction routière tourne à la course-poursuite. Une Laguna, dont le conducteur refuse de se soumettre au contrôle, est prise en chasse par la police. Elle percute un camion. Ses passagers prennent la fuite à pied, sauf le conducteur qui va garer la voiture dans un parking d'un centre commercial de Sarcelles (Val-d'Oise). Les occupants prennent la fuite à pied. Le moteur tourne encore et les portières sont ouvertes.

Les hommes se volatilisent dans la nature. "Ça s'est joué à quelques secondes", confie une source policière à l'AFP. La police découvre, grâce aux images des caméras de surveillance, que Redoine Faïd et son frère Rachid étaient à l'intérieur. Les empreintes génétiques le confirment. Dans le coffre de la voiture, François Molins explique que les enquêteurs ont découvert "six pains d'explosifs factices PEP 500, 18 détonateurs en état de fonctionnement dont deux reliés à des mèches prêtes à l'emploi, ainsi qu'un 'kit de survie' (vêtements, produits d'hygiène et deux duvets)." 

Durant le mois d'août, Redoine Faïd et son clan se font discrets. Pendant ce temps, un rapport de l'Inspection générale de la justice sur l'évasion spectaculaire, rendu public le 30 juillet, met en lumière une "conjonction de failles de sécurité", selon la garde des Sceaux Nicole Belloubet. L'absence de filins anti-hélicoptères est pointée du doigt.

Deux individus en burqa

La traque rebondit au début du mois de septembre. Le 5 à l'aube, une cinquantaine de policiers de la PJ de Versailles et de l'Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) débarquent chez des proches de Redoine Faïd, principalement dans l'Oise mais aussi à Paris. Six lieux sont perquisitionnés. Une façon pour les policiers d'imposer "une pression psychologique" sur l'évadé. Ils ne procèdent à aucune interpellation mais récoltent des indices. 

Selon les informations de franceinfo, le fugitif avait été récemment repéré à Creil par les forces de l'ordre, qui l'ont placé sous la surveillance de la BRI. Parallèlement, un méticuleux travail de surveillance téléphonique permet de remonter la trace du braqueur. Trois flottes de téléphones portables ont été identifiées au total. Selon la chaîne M6, il aurait été trahi par un numéro appartenant à son frère. "L'une des lignes téléphoniques utilisées était en possession d'un individu qui recevait des instructions visant à trouver de l'argent", s'est contenté d'expliquer le procureur de la République, François Molins. 

La ligne est géolocalisée et permet d'identifier une femme domiciliée dans le quartier du Moulin à Creil, qui effectuait des déplacements dans un véhicule C2. La nuit du 29 au 30 septembre, elle prend à son bord une personne vêtue d'une burqa, dont l'allure générale "pouvait laisser penser qu'il s’agissait d'un homme", poursuit François Molins. Cet individu entre au domicile de la jeune femme, puis un second individu, lui aussi vêtu d’une burqa. A partir de ce moment, les opérations s'accélèrent. 

"J'ai vu une centaine de policiers cagoulés"

Mercredi 3 octobre, à l'aube, les forces de l'ordre sont présentes en masse. Elles enfoncent la porte à 4h20 et découvrent Redoine Faïd en pyjama, rapporte Europe 1, son frère Rachid, deux de ses neveux et la "logeuse". Les enquêteurs découvrent un revolver chargé à portée de main du fugitif, ainsi qu'une arme automatique de type uzi, deux burqas, des perruques et des portables. 

Le braqueur multi-récidiviste Redoine Faïd lors de son interpellation, le 3 octobre 2018, à Creil (Oise). (EDOUARD DA COSTA / FRANCE 3)

Vers 3 heures du matin, "J'ai entendu du boucan", relate à l'AFP Alliou Diallo, un habitant du rez-de-chaussée. "J'ai vu une centaine de policiers cagoulés. J'ai compris que c'était Redoine qu'ils cherchaient. Ils sont restés jusqu'à 6h30. Le quartier a toujours été très calme. J'ai jamais pensé qu'il pouvait être là." Ailleurs en région parisienne, deux autres complices, qui ne sont pas de la famille de Redoine Faïd, sont aussi interpellés.

Ce coup de filet laisse penser que le commando qui a permis l'évasion de début juillet est arrêté. Le braqueur a été immédiatement placé en garde à vue dans les locaux de la PJ de Nanterre (Hauts-de-Seine). S'il a battu le record de sa précédente cavale, qui avait duré six semaines, Redoine Faïd s'apprête donc à retourner derrière les barreaux.

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