Cet article date de plus de cinq ans.

Réduire le nombre de parlementaires ? "Il y a un vrai risque de rupture entre les citoyens et les élus"

La baisse du nombre de députés et de sénateurs est l'une des mesures réclamées par les "gilets jaunes" et discutées lors du grand débat national. Mais pour le politologue Luc Rouban, ce n'est pas forcément une bonne idée.

Article rédigé par Camille Adaoust - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Les députés siègent à l'Assemblée nationale, à Paris, le 23 janvier 2019. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Libérer des sièges à l'Assemblée nationale et au Sénat : l'idée séduit un grand nombre de Français. D'après un sondage publié par Le Journal du dimanche le 5 janvier, à l'approche du grand débat national, 82% des personnes interrogées se disaient favorables à une réduction du nombre de parlementaires. Cette mesure avait déjà été avancée par les "gilets jaunes".

Quels seraient ses avantages et ses inconvénients ? Franceinfo a posé la question à Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS, membre du Cevipof à Sciences Po et auteur de La démocratie représentative est-elle en crise ? (La Documentation française).

Franceinfo : Combien avons-nous de parlementaires actuellement ?

Lub Rouban : Avec 577 députés et 348 sénateurs, nous avons 925 parlementaires en France. Si l'on prend en compte les 47 millions d'électeurs inscrits, nous avons donc un parlementaire pour 51 000 citoyens. Parmi les pays européens, nous sommes en milieu de classement.

Quels seraient les avantages d'une réduction de leur nombre ? 

C'était une promesse d'Emmanuel Macron pendant la campagne de 2017 : réduire de 30% le nombre de députés et sénateurs. Cette proposition plaît beaucoup aux Français, mais c'est une illusion d'optique. Il y aurait deux avantages hypothétiques. D'abord, des économies budgétaires. Si l'on réduisait le nombre de parlementaires d'un tiers, elles seraient de l'ordre de 150 millions d'euros par an. Ce n'est pas énorme et cela ne sortirait pas la France de l'endettement.

Le second argument, avancé par Emmanuel Macron, est le suivant : si on a moins de parlementaires, on va pouvoir consacrer les sommes économisées à l'évaluation des politiques publiques et renforcer le contrôle que le Parlement exerce sur le gouvernement. Mais ce n'est pas ce Parlement qui aura la volonté de remettre en cause les politiques du gouvernement, car la majorité d'aujourd'hui est disciplinée. 

Vous voyez donc principalement des inconvénients…

Oui, et le plus important, c'est que les députés se retrouveraient dans des circonscriptions immenses, ils ne connaîtraient pas leurs électeurs. Il y a un vrai risque de rupture entre les citoyens et les élus.

Pensez-vous que cette réduction sera mise en œuvre ?

Ce ne serait pas un processus complexe. On aurait besoin d'une loi organique, même pas d'une révision constitutionnelle. Je pense qu'il s'agira de la position de repli du gouvernement après le grand débat. Il ne voudra pas du référendum d'initiative citoyenne, mais si la réduction du nombre de parlementaires a l'assentiment d'une majorité de Français, le gouvernement pourra surfer sur le populisme actuel et la mettre en place.

Malgré tout, je ne vois pas, objectivement, le gain à en attendre. Cette réforme n'aurait de sens que si l'on procédait à une décentralisation. C'est-à-dire qu'on réduirait le nombre de parlementaires au niveau national, mais on donnerait davantage de pouvoir aux régions et aux départements. Cela permettrait de rééquilibrer les choses. La crise des "gilets jaunes" met en lumière un problème de proximité démocratique. Renforcer la décentralisation permettrait de le résoudre. Cette contrepartie pourrait justifier qu'au niveau national, on réduise la voilure des parlementaires.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.