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Fin de la trêve hivernale reportée au 1er juin : il faut imaginer des "solutions durables" de logement, plaide la Fondation Abbé Pierre

Plus de 4 millions de personnes sont concernées par le mal-logement en France, insiste le délégué général de la Fondation qui critique les coupes budgétaires "énormes" effectuées par le gouvernement depuis 2017.

Article rédigé par franceinfo
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La Fondation Abbé Pierre présente chaque année un rapport sur le mal-logement en France (ici en 2020). (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)

Le report au 1er juin de la fin de la trêve hivernale ne fait que différer "le déclenchement de la bombe à retardement", a alerté mardi 2 février sur franceinfo Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, qui publie son rapport annuel sur le mal-logement. 4,1 million de personnes en France sont concernées, soit 200 000 de plus que l'an dernier. Il faut imaginer des "solutions durables" de logement, martèle Christophe Robert.

franceinfo : Qui sont ceux qui ont basculé depuis un an ?

Il y a deux phénomènes dans ces chiffres du mal-logement très préoccupants.

"On a vu une augmentation du nombre de personnes sans domicile, grosso modo, c'est un doublement depuis 2012."

Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre

à franceinfo

Ce ne sont pas seulement des sans-abri, mais des personnes sans domicile, dans des hôtels sociaux, dans des squats, dans des bidonvilles. Ce chiffre atteint 300 000 personnes. La deuxième caractéristique de la période que nous vivons aujourd'hui, c'est le risque de basculement ou le basculement de personnes qui s'en sortaient bon an mal an, qui arrivaient à joindre les bouts, mais avec de très faibles ressources et qui ont vu une partie de leurs activités et leurs rentrées financières diminuées et se retrouvent à devoir frapper aux portes de l'aide alimentaire, à solliciter par exemple le RSA, dernier filet de sécurité. Le nombre de demandes de RSA a augmenté de 10% et les distributions alimentaires de 25 à 40%, selon les territoires.

Le gouvernement annonce qu'il repousse de deux mois la fin de la trêve hivernale. Il n’y aura pas d'expulsion locative avant le 1er juin. C'est une bonne décision ?

Oui, c'est une bonne décision. Simplement, il faut comprendre que ça diffère le déclenchement de la bombe à retardement. Pour tous ceux qui ont peur d'être expulsés - de voir les forces de l'ordre qui arrivent, qui mettent les meubles en bas de la cage d'escalier, changent la serrure et vous vous débrouillez - pour ceux-là, c'est un moment de répit. Ça sera reculer pour mieux sauter, sauf si on met à profit ce temps-là pour aller au-devant des personnes, les aider à ouvrir des droits, éventuellement chercher d'autres formules de logement, et si on fait ce qu'on demande depuis le 1er juin dernier, la mise en place d'un fonds national d'aide au paiement des loyers et des charges. Il faut qu'on évite à tout prix les impayés parce qu'une fois que la mécanique judiciaire est enclenchée, c'est très, très difficile de revenir en arrière.

Votre rapport contient également des témoignages de bénévoles sur ce qui s'est passé à la fin des deux confinements. Quand les associations ont retrouvé la trace de certains mal-logés, on a vu "des gens sortir des greniers, des caves et des cabanes de jardin", explique une bénévole. Cela veut dire que les mal-logés sont toujours des invisibles aujourd’hui ?

Avec la peur du virus, avec aussi la réduction très importante des réponses qui étaient apportées, réduction de la voilure des épiceries sociales, des distributions alimentaires, des gens ont eu faim. C'est à ce moment-là que l'on a déclenché un fonds d'urgence pour donner des "tickets services" à ces personnes pour qu'elles puissent aller au supermarché du coin, s'alimenter, acheter des produits d’hygiène, du lait pour les bébés. Le gouvernement a ouvert des places d'hébergement d'urgence [20 000, en plus des places habituelles], ce qui est une bonne chose, plutôt une prise en compte par le gouvernement de l'urgence immédiate. La difficulté que nous avons et que nous indiquons dans ce rapport, c'est que les solutions durables de logement manquent considérablement. Il y a beaucoup de monde aujourd'hui dans des hôtels d'urgence.

"Ce gouvernement, si on regarde bien depuis 2017, a réduit la voilure de 10 milliards d'euros sur la politique du logement, pour la construction de logements sociaux, pour aider les ménages avec les APL [aides personnalisées au logement]. Il y a eu des coupes énormes qui ont des impacts durables."

Christophe Robert

à franceinfo

Donc, entre la question de l’urgence qui a été plutôt prise en compte par le gouvernement et les réponses à apporter pour ceux qui sont en situation de fragilité, il y a un "gap" [un écart] considérable qu'il faut combler aujourd’hui.

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