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Le groupe Fontaines D.C., fleuron du brasier punk irlandais, sort son premier album

L'Irlande se taille actuellement une réputation de bastion numéro un de la scène punk rock européenne. A la tête de ces rebelles à guitares, on remarque Fontaines D.C., un quintet fiévreux à l'intelligence furibarde basé à Dublin. On vous fait les présentations à l'occasion de la sortie de leur premier album, "Dogrel", vendredi 12 avril. Et avant leur passage dans de nombreux festivals cet été.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le groupe punk irlandais Fontaines D.C.
 (Daniel Topete)

La rébellion est depuis toujours dans l'ADN de la musique irlandaise, même traditionnelle. Ajoutez-y un esprit punk, de l'urgence et de l'électricité et vous obtenez une mixture explosive, capable d'embraser les vertes prairies gaéliques. En ce printemps, le punk rock bourgeonne en Irlande. Des noms de groupes reviennent souvent : Fontaines D.C., Just Mustard, The Murder Capital, et les plus anciens et déjà cultes Girl Band.

Du lot, c'est Fontaines D.C. dont une belle poignée de singles est sortie depuis "Liberty Belle" en mai 2017, qui tire son épingle du jeu et connaît depuis sa tournée cet hiver une ascension fulgurante outre-Manche, digne de Shame l'an dernier. Shame dont ils ont assuré les premières parties en 2018, tout comme IDLES ce printemps. 

Des punks poétiques chez eux sur scène

Comme tout bon groupe rock énervé, Fontaines D.C. est en effet à son meilleur sur scène. Deux guitares incendiaires en ping-pong, une section rythmique comptant les points en boucle et un chanteur désenchanté au fort accent irlandais qui questionne le réel, et vous avez une idée de la formule magique de ce groupe intense. Sur l'album, la production est d'ailleurs brute, sans fioritures, comme saisie live. Ce qui n'empêche pas d'entendre des échos de The Cure sur "The Lotts" et même d'Oasis sur "Television Screen".

Le titre de leur premier album, "Dogrel", en dit long sur ces punks irlandais sensibles à la poésie. Le dogrel, expliquent-ils sur leur page Facebook, est en effet un genre d'écriture poétique irlandaise "crue et venue de la classe ouvrière, souvent tenue en piètre estime par la critique littéraire."

Beau plan séquence pour ce clip tourné à Dublin, avec un petit garçon.

Des textes sarcastiques et rageurs

Les textes du chanteur Grian Chatten, adepte de James Joyce, T.S. Eliot et Yeats, sont tout sauf bavards et verbeux. Ils cultivent au contraire la simplicité et la répétition, offrant un curieux contrepoint hypnotique à sa rage, comme sur "Too Real" dans lequel il demande en boucle, hargneux, à un mystérieux interlocuteur : "Is it too real for ya ?" (Est-ce trop réel pour toi?). "L'argent est le bac à sable de l'âme", assène-t-il aussi avec une rage froide sur "Chequeless Reckless", un titre radical héritier de The Fall.

Pour autant, il ne faut pas toujours prendre ses paroles à la lettre. Sur le puissant titre d'ouverture "Big", Chatten chante "Dublin city is mine/ A pregnant city with a catholic mind (...) My childhood was small/ But I'm gonna be big". Ce que l'on pourrait prendre pour une proclamation auto-réalisatrice à la conquête des charts anglais n'est que sarcasme : Chatten y décrit en réalité selon lui un personnage de fiction rongé par l'ambition. Comme Shame, Fontaines D.C. ne se résume pas à un groupe bruyant et en colère.

Dublin est leur muse

Les tensions anglo-irlandaises suscitées par le Brexit sont-elles responsables de cette poussée punk irlandaise ? Pas seulement, bien qu'il soit fait allusion à l'anglophobie grandissante de certains Irlandais dans la chanson "Boys In The Better Land". La gentrification de Dublin, où sont établis de nombreux sièges sociaux européens des géants de la Silicon Valley, en particulier Google et Facebook, semble peser davantage sur l'état d'esprit de nos agitateurs, révulsés de voir l'Irlande se soumettre toujours plus aux lois obscènes de l'ultra-libéralisme triomphant. "L'Irlande romantique est morte", estime l'un d'eux.

Plus encore que l'Irlande, Dublin est au coeur de la vie et de la musique de Fontaines D.C. (le D est pour Dublin le C pour City). La capitale irlandaise les a réunis (excepté le chanteur, ils viennent tous de différents coins du pays) et inspire leur travail à la façon d'une muse. Cet album, ils l'ont écrit en immersion dans la ville, dans ses ruelles, à observer ses personnages et ses parias, à se perdre dans ses nuits et surtout à tanguer dans ses pubs, toujours une pinte de Guinness à la main.

"Plus personne ne croit en rien et ce que nous devons faire, c'est former une sorte de vérité sur nous-mêmes", explique Grian Chatten. Sa quête et celle du groupe se confondent : trouver une vérité, leur vérité, où qu'elle soit et d'où qu'elle vienne. Et rester intègres, obsession punk s'il en est, sous peine de mort. 

"Dogrel" de Fontaines D.C. est sorti vendredi 12 avril 2019 (Partisans Records/PIAS)
En concert le 22 avril au Point Ephémère, le 1er juin au TINALS de Nîmes, le 7 juin au festival Art Rock de Saint-Brieuc, le 4 juin aux Eurockéennes de Belfort, le 11 juillet au Dour Festival (Belgique), le 20 juillet aux Vieilles Charrues de Carhaix, le 25 juillet au Paleo Festival de Nyon (Suisse), le 15 août à La Route du Rock de Saint-Malo.

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