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Rapport sur la prison de Château-Thierry : "Il faut s'interroger sur le maintien en détention" des personnes atteintes de troubles mentaux

François Bes, de l'Observatoire international des prisons, a réagi vendredi au rapport sur les conditions de détention à la maison centrale de Château-Thierry, où des prisonniers, qui devraient être en hôpital psychiatrique, subiraient notamment des injections forcées. 

Article rédigé par franceinfo
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Vue des extérieurs de la maison d'arrêt de Chateau-Thierry, dans l'Aisne. (MAXPPP)

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a publié fin juillet un rapport accablant concernant la maison centrale de Château-Thierry (Aisne). Cette prison accueille des détenus atteints de troubles psychiatriques. Le rapport dénonce un "exercice de la psychiatrie contraire à la déontologie" avec notamment des "injections forcées". Les contrôleurs décrivent également des cellules jonchées de détritus et des détenus en état "d'incurie, voire de prostration", incapables d'en assurer l'entretien à cause de leurs troubles mentaux.

Selon François Bès, responsable du pôle enquête de l’OIP (Observatoire international des prisons) et spécialiste des questions d’accès aux soins en détention, "il faut s’interroger sur le maintien en détention de personnes qui n’ont rien à y faire", car "la prison n’est pas un lieu de soins".

franceinfo : Ce rapport sur la prison de Château-Thierry décrit un cauchemar pour les détenus...

François Bès : Oui. D’une part en raison de la vétusté de ces prisons qui met en péril la santé des personnes détenues au niveau somatique. D'autre part, car il pose la question du maintien en détention de personnes qui n’ont rien à y faire. La prison n'est pas un centre de soin. Il faut que les lois qui existent, notamment celle du 14 août 2014, qui prévoit la remise en liberté des malades psychiatriques, puissent s’appliquer et que les gens ne soient pas lâchés dans la nature, mais intègrent des services de santé spécialisés.

Faut-il aménager leur peine ?

Oui, comme toute personne malade. Il y a un moment où l’état de santé est incompatible avec la détention. Il faut absolument que ce soit reconnu. Cela se pratique sur les volets somatiques pour les personnes atteintes de pathologies graves. Mais en France, nous avons plus de 20 % de personnes détenues qui sont atteintes de troubles psychotiques et 7 % des personnes détenues qui sont schizophrènes. Ce sont des personnes qui n’ont rien à faire en prison.

Comment une prison en 2017 peut-elle laisser des détenus en état d’incurie, voire de prostration ?

On peut l’observer également dans des services pénitentiaires différents. A Fresnes, par exemple, il y a une unité psychiatrique d’hospitalisation où les enquêtes montrent que, là également, un certain nombre de personnes devraient être placées en milieu hospitalier. Quand on arrive à un point où des gens ne savent même plus où ils sont et à qui il faut expliquer le matin qu’ils sont en prison, ce qu’ils ne comprennent pas, on peut vraiment s’interroger sur le sens de la peine. Il y a une présence de malades psychiatriques partout en France dans les prisons. La situation de Château-Thierry est particulière. C’est un établissement pour l’administration pénitentiaire qui est catalogué comme établissement psychiatrique, et donc recevant un grand nombre de malades, mais la présence de ces malades est sur la France entière.

Ces dysfonctionnements sont-ils monnaie courante dans le milieu carcéral ?

Oui, régulièrement. Il suffit d’aller sur le site du Contrôleur général des lieux de privations de liberté et de lire les rapports de visites. On constate alors que dans tous les établissements visités, il existe un certain nombre de dysfonctionnements. Cela va de la partie matérielle avec des locaux extrêmement vétustes à des problèmes de surpopulation qui touchent l’ensemble des maisons d’arrêt de France. Il y a également ces difficultés d’accès aux soins. La situation s’est aggravée puisqu’avec l’augmentation de la surpopulation dans les établissements, il y a de moins en moins de moyens.

"Il faut s'interroger sur le maintien en détention" de malades psychiatriques - François Bès (OIP)

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