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Primaire de la gauche : à trois jours du second tour, le match des meetings entre Benoît Hamon et Manuel Valls

Les deux finalistes de la primaire de la gauche ont rassemblé leurs partisans jeudi soir en région parisienne. Franceinfo compare les deux rendez-vous.

Article rédigé par Sophie Brunn, Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Les deux finalistes de la primaire de la gauche, Benoît Hamon et Manuel Valls, en meeting à Montreuil et Alfortville à trois jours du second tour, le 26 janvier 2016. (AFP)

Les deux finalistes de la primaire de la gauche n'étaient séparés que par une dizaine de kilomètres, jeudi 26 janvier, et pourtant, ils ont semblé de plus en plus éloignés dans leur discours. A trois jours du second tour, Manuel Valls à Alfortville (Val-de-Marne) et Benoît Hamon à Montreuil (Seine-Saint-Denis) ont rassemblé une nouvelle fois leurs supporters. L'occasion de détailler encore leur projet. Franceinfo, présent aux meetings des deux candidats, joue au jeu des comparaisons.

Les soutiens : petit avantage Valls

Chez Manuel Valls. Au premier rang, on retrouve Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, Sylvia Pinel, la présidente du PRG, les secrétaires d’Etat Christian Eckert et Pascale Boistard, et quelques parlementaires, pour la plupart des "réformateurs" du PS comme Christophe Caresche et François Loncle. Peu de poids lourds donc...

C’est d’ailleurs un paradoxe de cette campagne : Valls est le candidat qui avait gagné le match des soutiens, en réunissant le plus grand nombre de parlementaires, élus locaux et ministres avant le premier tour. Malgré cela, il n’a jamais réussi à faire une photo avec tous les poids lourds. Et depuis son arrivée en deuxième position au soir du premier tour, les soutiens ont plutôt afflué du côté de Benoît Hamon.

Chez Benoît Hamon. Il ne fallait pas chercher des membres du gouvernement au meeting du député des Yvelines, mais le candidat peut malgré tout se targuer d'avoir réuni différentes sensibilités de la gauche à l'image de l'écologiste Mounir Satouri, conseiller EELV de la région Ile-de-France. La gauche du PS y est surtout représentée, avec notamment Marie-Noëlle Lienemann et Gérard Filoche, qui n'avait pas pu se présenter à la primaire.

Certains ralliés de l'après-premier tour se trouvent également dans les allées, à l'image de François Kalfon, directeur de campagne d'Arnaud Montebourg, et Jean-Marc Germain, député proche de Martine Aubry. Les deux anciens ministres, des poids lourds du PS, n'étaient pas physiquement présents malgré leur soutien annoncé à Benoît Hamon.

Le public : avantage Hamon

Chez Manuel Valls. Environ 600 personnes – même si les organisateurs en annoncent 800 – sont réunies dans un gymnase pas chauffé d’Alfortville. L’équipe du candidat ne s’est pas donnée la peine de mettre un maximum de chaises dans la salle, semblant anticiper une moindre affluence. Finalement, quand l’ancien Premier ministre prend la parole, il n’y a plus de chaises vides. Pour autant, ce n’est pas plein à craquer. Le public est assez mélangé, mais il y a peu de jeunes. Les sympathisants socialistes d’Alfortville et d’Evry sont venus en nombre.

Chez Benoît Hamon. A la tribune, les organisateurs annoncent que 3 500 personnes sont venues applaudir l'ancien ministre de l'Education nationale. En réalité, environ 3 000 places assises sont prévues et il reste une poignée de chaises inoccupées. Le public est largement composé de jeunes rappelant que la majorité des militants du MJS (Mouvement des jeunes socialistes) soutient Benoît Hamon, qui en est d'ailleurs le fondateur.

L’ambiance : avantage Hamon

Chez Manuel Valls. C’est un peu "la dernière séance". Pendant son discours, Manuel Valls y croit, il donne de la voix, les soutiens applaudissent et entonnent à de nombreuses reprises "Valls président !". Pour autant, en coulisses, c’est une autre musique. C’est le dernier meeting de la primaire pour l’ex-chef du gouvernement, et pour beaucoup de ses soutiens, le dernier pour lui de cette présidentielle. Un parlementaire en est déjà à expliquer, en off, les raisons de cette campagne "compliquée", pour ne pas dire ratée. Il charge notamment le président : "Hollande n’a rien raconté, rien vendu pendant le quinquennat. Alors comment voulez-vous après que le Premier ministre vende quelque chose ?"

Pour ne rien arranger, comme quasiment à chacun de ses meetings, Manuel Valls a eu droit à Alfortville à des perturbateurs pendant son discours. Pas sur le 49.3, mais sur les questions éducatives : "Touche pas à ma ZEP !", ont crié des jeunes avant de se faire expulser par le service d’ordre.

Chez Benoît Hamon. Le public a mis du temps à se réchauffer, mais il a eu le temps de monter en tension puisque Benoît Hamon est arrivé avec environ trente minutes de retard, retenu par une interview sur TF1. Il s'en excuse au début de son discours et accuse François Fillon, "invité surprise" du JT venu parler des soupçons autour d'un emploi fictif qu'il aurait accordé à sa femme. Le candidat a réussi à enflammer la salle lors de plusieurs envolées, notamment quand il a dénoncé "les antisémites, les racistes", qui ont lancé une campagne sur internet pour le renommer "Bilal Hamon". Il a qualifié "Bilal" de "très joli prénom", ce qui a poussé le public a scandé "Bilal Hamon", "Bilal, Bilal".

Je suis fier qu'ils m'appellent Bilal, et je serais fier qu'ils m'appellent Elie, David ou peu importe.

Benoît Hamon

en meeting à Montreuil

Pour le reste, comme à son habitude, Benoît Hamon est entré dans son meeting sur le remix de la chanson Prayer in C signé Lilly Wood & The Prick et Robin Schulz, et il a clôturé la soirée avec le classique Can't Hold Us dont les paroles ont l'avantage de coller au moment ("C'est le moment, ce soir est la nuit, nous allons nous battre jusqu'à ce que ce soit fini").

Le discours : projet contre projet

Chez Manuel Valls. Le député de l'Essonne s’est montré particulièrement combatif pendant son discours, assurant systématiquement qu’il se battait pour la primaire et la présidentielle : "Moi je veux me battre et je me battrai jusqu’au bout, jusqu’à la victoire, dimanche d’abord puis jusqu’à l’élection présidentielle." Il est resté sur ses fondamentaux : laïcité, sécurité, compétitivité.

Même s’il a décliné certaines de ses propositions, comme le service civique obligatoire, il a passé beaucoup de temps à attaquer le programme de Benoît Hamon, en particulier le revenu universel. L’ancien Premier ministre a, un peu comme dans le débat télévisé de jeudi soir, donné l’impression qu’il jouait surtout en défense. "J’ai du mal à vous quitter", a lâché le candidat à la fin de ses 45 minutes de discours. Une déclaration qui sonnait un peu comme un adieu.

Chez Benoît Hamon. Le candidat a développé ses thématiques de prédilection, de la transition écologique à l'adaptation vers une société où le travail risque, selon lui, de se raréfier. A ce sujet, il n'a pas hésité à se projeter dans le troisième tour de la primaire se réjouissant d'avance de débattre avec François Fillon : "Ce sera 500 000 fonctionnaires de moins ou le revenu universel."

Il a également développé longuement ses propositions pour l'éducation, après avoir cité le militant Pierre Rabhi, partisan de la décroissance : "Quels enfants laisserons-nous à notre planète ?" L'ancien ministre de l'Education nationale propose notamment d'interdire les classes de plus de 25 élèves et d'embaucher 2 000 enseignants supplémentaires.

Les punchlines : égalité, balle au centre

Chez Manuel Valls. "Mon projet n’est pas catholique, juif ou musulman, il est de gauche et républicain." Durant cette campagne d’entre-deux-tours, Manuel Valls a insisté sur deux différences qu’il a avec Benoît Hamon : leurs visions du travail et de la laïcité. Alors que certains de ses soutiens ont tenu cette semaine des propos virulents à l’encontre de Benoît Hamon, dénonçant son supposé laxisme vis-à-vis de l’islam radical, Manuel Valls a de nouveau évoqué cette thématique, n’hésitant pas à affirmer que le vote du second tour devait se faire sur cette question.

Je veux que le vote de dimanche soit une forme de référendum sur notre conception de la laïcité.

Manuel Valls

en meeting à Alfortville

Chez Benoît Hamon. Le "choix est assez simple, entre un candidat qui peut rassembler la gauche, et un candidat qui la clive""Les solutions proposées par Manuel Valls sont ancrées dans un monde ancien", a également estimé Benoît Hamon, en dénonçant une gauche "qui s'est résignée, qui baisse la tête quand elle gouverne" tout en donnant "des coups de menton".

Comme si la ligne qui nous a fait perdre toutes les élections intermédiaires depuis 2012 pouvait nous faire gagner demain.

Benoît Hamon

en meeting à Montreuil

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