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Le divorce entre Marine et Jean-Marie Le Pen en six actes

Le parti a statué, lundi, lors d'un bureau exécutif disciplinaire, sur le sort du "patriarche" après ses propos polémiques d'avril et sa sortie remarquée lors du rassemblement du 1er-Mai. Depuis, Jean-Marie Le Pen ne décolère pas.

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Marie Le Pen sur la scène montée à l'occasion du discours de sa fille, Marine, lors du défilé du FN, le 1er mai 2015 à Paris.  (YANN KORBI / CITIZENSIDE / AFP)

Les dirigeants du Front national ont rendu leur verdict après une longue journée de débats, lundi 4 mai. Chef historique du Front national pendant près de quarante ans, Jean-Marie Le Pen est "suspendu" de son statut d'adhérent du FN, après des propos publiés dans le magazine d'extrême droite Rivarol. Et une assemblée générale extraordinaire sera convoquée "dans les trois mois" pour supprimer le statut de président d'honneur attribué au "patriarche" fondateur, selon le communiqué du parti.

Vexé, Jean-Marie Le Pen a depuis multiplié les déclarations incendiaires contre sa fille et les cadres du Front national. Il demande à Marine Le Pen de lui "rendre [son] nom" et ne souhaite pas qu'elle gagne la présidentielle de 2017. "Si de tels principes moraux devaient présider à l'Etat français, ce serait scandaleux", a-t-il estimé mardi 5 mai sur Europe 1.

Retour sur un conflit qui est allé crescendo. 

Acte 1 : Jean-Marie Le Pen réaffirme que les chambres à gaz sont un "détail" de l'histoire

Invité sur BFMTV, le président d'honneur du Front national maintient, jeudi 2 avril, ses propos sur les chambres à gaz, qu'il considère comme un "détail" de l'histoire de la seconde guerre mondiale. Il explique à l'animateur Jean-Jacques Bourdin n'avoir "à aucun moment regretté" d'avoir tenu ces propos dans le passé (pour la première fois en 1987).

Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour contestation de crime contre l'humanité et l'affaire donne lieu à de multiples attaques contre le vieux dirigeant, au sein même de son propre camp. Interrogé sur Europe 1, le bras droit de Marine Le Pen, Florian Philippot, parle d'une "provocation parfaitement inutile". Le député Rassemblement bleu Marine du Gard, Gilbert Collard, qualifie sur Twitter de "désespérants" les propos de Jean-Marie Le Pen qu'il qualifie de "tract ambulatoire" pour Manuel Valls. "Ferme ta gueule, espèce de collard !" lui répond dans un tweet le président d'honneur du FN.  

Marine Le Pen semble, elle aussi, contrariée. "Il a décidé de me faire chier jusqu'au bout !" se désespère-t-elle, selon Le Canard enchaîné du mercredi 8 avril.

Acte 2 : Jean-Marie Le Pen défend Pétain dans "Rivarol"

Mardi 7 avril, des passages de l'interview de Jean-Marie Le Pen accordée à l'hebdomadaire d'extrême droite Rivarol, qui doit être publiée jeudi, fuitent sur le web. Ce magazine, ouvertement pétainiste, a été condamné en septembre 2014, comme le rapporte Challenges, pour provocation à la haine et injure raciale après la parution d'un article jugé antisémite.

En défendant le maréchal Pétain, incarnation de la collaboration française lors de la seconde guerre mondiale, Jean-Marie Le Pen trouve un moyen de défier la ligne de Marine Le Pen, qui tente de dédiaboliser le FN. 

"Comme je l’ai déjà dit, je n’ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître, martèle le président du FN dans Rivarol. L’on a été très sévère avec lui à la Libération. Et je n’ai jamais considéré comme de mauvais Français ou des gens infréquentables ceux qui ont conservé de l’estime pour le Maréchal." Il s'en prend à Manuel Valls, né espagnol, et à la République : "Et puis cette référence incessante de Valls à la République ! Ils commencent à me gonfler tous avec la République !"  

Acte 3 : Marine Le Pen s'oppose à la candidature de son père lors des régionales en Paca

Cette fois, les cadres du FN estiment que Jean-Marie Le Pen est allé trop loin. Dès le 8 avril, le numéro deux du parti, Florian Philippot, annonce la couleur sur Twitter :

Quelques minutes plus tard, Marine Le Pen se montre plus précise : "Jean-Marie Le Pen semble être entré dans une véritable spirale entre stratégie de la terre brûlée et suicide politique, écrit-elle dans un communiqué. Compte tenu de cette situation, j'ai informé Jean-Marie Le Pen que je m'opposerai, lors du bureau politique du 17 avril prochain qui doit investir les têtes de listes pour les élections régionales, à sa candidature en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Son statut de président d'honneur ne l'autorise pas à prendre le Front national en otage, de provocations aussi grossières dont l'objectif semble être de me nuire, mais qui, hélas, portent un coup très dur à tout le mouvement."

Acte 4 : père et fille s'écharpent par médias interposés

Les menaces de la patronne du FN, qui a, en outre, appelé son père à "arrêter ses responsabilités politiques", n'ont pas l'air d'effrayer Jean-Marie Le Pen. "Mme Le Pen doit se poser la question de savoir si ce qu'elle fait est utile à la cause qu'elle prétend servir", explique-t-il dans la foulée sur RTL, le 8 avril. Selon lui, sa fille "dynamite son propre parti".

Dans l'après-midi, le président d'honneur du Front national se fend d'un nouveau communiqué, évoquant "une crise qui pourrait être grave de conséquences" au sein du parti. Jean-Marie Le Pen explique qu'il exposera son "point de vue", "celui d'un homme politique responsable, libre, qui a toujours marché tête haute et mains propres", lors du bureau politique convoqué par sa fille. 

Depuis, les échanges d'amabilités se poursuivent. Lors du traditionnel défilé du 1er-Mai, Jean-Marie Le Pen joue de nouveau les trouble-fêtes, en s'invitant sur la scène peu avant le discours de sa fille, place de l'Opéra, à Paris. Une initiative que Marine Le Pen n'avait pas prévue, selon un proche du cofondateur du FN. 

Dimanche 3 mai, Marine Le Pen en remet une couche sur le plateau du "Grand Rendez-vous" Europe 1-Le Monde-i-Télé. "Les derniers actes de Jean-Marie Le Pen sont inadmissibles. Il ne doit plus pouvoir parler au nom du FN", déclare-t-elle ainsi, à la veille du bureau politique du parti. 

Acte 5 : le Front national "suspend" le statut d'adhérent de Jean-Marie Le Pen

Après plusieurs heures de réunion, le bureau exécutif du Front national transformé en instance disciplinaire annonce lundi 4 mai dans la soirée, par communiqué, que Jean-Marie Le Pen est "suspendu" de son statut d'adhérent. Il constate aussi "à la majorité de ses membres la nécessité de supprimer l'article 11 bis des statuts du Front national relatif à la présidence d'honneur". 

Une assemblée générale extraordinaire, poursuit le communiqué, se tiendra "dans un délai de trois mois par correspondance afin de modifier les statuts".

Acte 6 : écarté, le père dénonce la "félonie" de sa fille, "un peu pire que l'UMPS"

Après l'annonce de sa suspension, le "patriarche" réplique lundi soir, dénonçant "une félonie" et s'en prenant à sa fille et à ses proches au sein du parti. "C'est déshonorant d'avoir le même nom que la présidente du FN."

"J'ai exprimé le souhait que Marine Le Pen me rende mon nom, lâche le père. Elle a la possibilité de le faire en se mariant soit avec son concubin, soit avec quelqu'un d'autre, après tout, pourquoi pas M. Philippot." Une attaque qui vise le compagnon de Marine Le Pen, Louis Aliot, qu'il n'apprécie guère, et le numéro deux du FN Florian Philippot, qui a été le plus virulent à son égard.

Jean-Marie Le Pen va-t-il entamer des recours contre les décisions prises par le bureau exécutif du Front national ? "Ils doivent s'attendre à tous les moyens, a-t-il averti. Ce n'est pas impunément qu'on m'attaque, même dans le dos." Et de lancer en riant : "Et si on trouve mon cadavre, sachez que je ne me serai pas suicidé."

Mardi 5 mai, il va encore plus loin. "Si de tels principes moraux devaient présider à l'Etat français, ce serait scandaleux", déclare l'eurodéputé sur Europe 1 à propos de la "trahison" de sa fille. Il glisse ensuite qu'il ne souhaite pas, "pour l'instant", sa victoire à la présidentielle 2017. Pour lui, "Marine Le Pen est un peu pire que l'UMPS".

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